les envois de mai 2021 en réponse à l’appel à textes « Tout ce que vous avez toujours voulu dire à un éditeur (sans jamais oser l’écrire) ».

Lettres à un éditeur :

merci Narki Nal pour cette lettre qui clôt notre récolte :

Niki Carnage Nice le 27 5/2021
26, rue des trois Mûriers
06300 Nice

À Monsieur Dussot
Directeur des Éditions des « Puits sans fond »

Monsieur,

Je reviens vers vous assez irritée – dois-je le souligner – par votre dernier courrier concernant l’envoi de mon nouveau recueil poétique « Les mots lourds ».

Vous me suggérez que le titre en serait peu vendeur sans considérer s’il en traduit ou non le contenu.

Je suis pour le moins étonnée qu’un éditeur dont la maison d’éditions s’intitule « Les puits sans fond » s’intéresse à des conditions très matérielles.

Un titre peu vendeur ! Le seul profit est-il devenu la marque de votre ligne éditrice ? N’y aurait-il plus chez vous la moindre fibre non mercantile ?

Je vous rappelle que vous avez publié mon « Désespoir » dont les textes déchirants n’ont pas eu, certes, le succès attendu, mais dont la publication éclairait ce côté audacieux de vous qui m’avait séduite.

Le poids de « Les mots lourds » se mesure, à mon sens, non à la possibilité d’entraîner des ventes mais à la profondeur du propos (ne pas se tromper de mesure) et à son universalisme. Notre vie n’est-elle pas émaillée d’expériences difficiles, LOURDES, que mes mots cherchent à traduire poétiquement pour les rendre audibles et partageables ?

Bien sûr j’aurais pu écrire « Les mots légers » mais j’y aurais perdu mon âme, n’ayons pas peur des mots.

La psychologie positive n’est pas ma tasse de thé et j’ai d’autres sujets à célébrer que le vol planant des oiseaux facétieux ou la beauté des fleurs odorantes (certaines puent, oui puent) du printemps cette saison capricieuse et fade.

Qu’ai-je à faire de toutes ces mièvreries alors que le monde brûle, que je brûle, que nous brûlons ensemble ?

Cher ami -nous nous connaissons depuis assez longtemps pour que je puisse utiliser ce terme de proximité, je crois- cher ami donc, je vous demande un peu de subtilité, une dose d’empathie et de solidarité et une lecture plus profonde (ne craignez pas de tomber, au contraire élevez-vous) de mes « Les mots lourds ». Vous arrêter au titre serait comme, très myope, survoler un paysage sans lunettes. Aucun détail accessible. Aucune nuance.

Il vous faudra envisager une reconversion si vous n’êtes plus capable d’audace ou alors changez le nom de votre maison d’édition. Je vous suggère « Les puits bouchés » plus en accord avec votre sens de l’ouverture.

Bien à vous … encore.

Niki Carnage et ses mots lourds

merci Marilyse Leroux

émouvante lettre d’Elizabeth Guyon-Spennato à Christian Bourgois :

.

Cher Monsieur Bourgois,
Il y a 20 ans, vous avez été l’une des dernières personnes à avoir conversé avec ma mère. Ce jour-là, de retour à la maison, je l’ai trouvée radieuse tant votre appel lui avait fait plaisir. Vous vouliez que je vous téléphone, mais, vous aviez prévenu ma mère que vous n’éditeriez pas mon manuscrit. Incrédule, je vous ai appelé. Vous aviez vraiment aimé mon écriture. Mais pas le sujet de mon récit. Politiquement, il allait à l’encontre de vos convictions. Aussi, vous n’alliez pas me publier. Mais vous m’assuriez alors qu’il me serait facile de l’être. Votre appel m’avait procuré joie, et fierté même, d’avoir été remarquée par le grand éditeur que vous êtes. Dans la fougue de  mon jeune âge, je n’en étais pas moins furieuse.

(Radio France © France Info)

Quelques mois plus tard, mon premier livre est sorti. Mais maman était partie sans le savoir. Un second livre a suivi, puis, des années de convalescence, de rééducation. Longtemps après, la vie a repris. Pour moi, notre conversation téléphonique est longtemps demeurée un souvenir étrange, une sorte d’énigme. En 2007, l’annonce de votre départ dans les journaux m’a fait pleurer. Et je me permets de vous l’écrire aujourd’hui.


Sincèrement,
Elizabeth

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Lettre d’éditeur confiée par Christine Durif-Bruckert :

Courrier des Editions Trente

Chère Madame

Je vous remercie pour la confiance que vous manifestez vis à vis de notre maison d’Edition.

Après lecture de votre manuscrit par notre comité de lecture de trente personnalités, spécialistes de l’écriture, je vous prie de prendre en considération la synthèse des expertises qu’ils m’ont remise.

Votre manuscrit et trop long, nous n’allons pas au delà des 30 pages, comme vous devez le savoir.

Vos vers n’ont pas la largeur calibrée ;

Votre poésie est difficile, obscure, voilée, ne cessant de produire du sens qui s ‘étale sur la surface des pages du début à la fin du manuscrit, quelquefois de façon instable, mais surtout imprévisible.

ça parle ça parle tout le temps dans ce texte, ça ne se tait jamais, on aurait apprécié plus de blancs, plus d’espaces libre. Même vos blancs parlent et se montrent actifs. Vous poussez votre écriture jusqu’à ses limites extrêmes, ce qui donne des développements périlleux qui ne manquent pas d’intérêt pour la collection. Mais la place qu’ils occupent et l’épuisement qu’ils suscitent est un problème bien préoccupant pour notre comité.

Enfin vous avez proposé quelques illustrations anciennes, de bonne qualité, que nous ne sommes pas en mesure d’éditer.

Aussi, vous ne rentrez pas dans nos lignes, malgré vos exigences louables, et ne pouvons retenir votre manuscrit, tout au moins, vous l’avez compris, en l’état.

Mais pas de panique. Toutes ces recommandations font partie du processus de collaboration éditeur/comité de lecture et auteurs.

Nous vous proposons de vous reprendre et de revoir votre texte à la baisse, dans le sens de ce que nous vous avons indiqué. Nous approchons des fêtes de fin d’année et si vous arrivez à nous remettre un manuscrit reformaté dans le courant de la semaine prochaine, nous serons heureux alors de le reconsidérer pour la fin de l’année.

J’espère que nos retours confortent la confiance vous nous témoignez

Votre dévouée edit(u)eur

Monsieur Trente

une réclamation arrivée ce matin

nous avons masqué le nom de l’expéditeur, le temps de vérifier la source de cette information

De Salvatore San Filippo :

Petit éditeur de campagne
Tu galères
Tes ventes sont en baisse
Et ton moral est proche du zéro
Mais rassure-toi
Me voilà
Avec mon manuscrit sous le bras
Qui va changer ta vie
Et donner de la notoriété
A ta petite maison d’édition
 
Heureux ?

une page de publicité :

La plus ancienne lettre connue à un éditeur date du néolithique :

La lettre que nous a confiée Madame Mesrobian nous rappelle que nous possédons la photo d’une gravure rupestre, difficile d’accès, prise par des archéologues sur le site du Mont Bego , dans la Vallée des Merveilles (Alpes Maritimes). Il s’agit du plus ancien témoignage connu d’une communication entre un auteur et son éditeur :

On peut en effet aisément distinguer à gauche l’auteur brandissant ce qui est selon tout probabilité son oeuvre (on voit l’ébauche d’un livre, remarquable par la forme noire centrale, évoquant déjà la reliure du livre, mais réalisé dans une pierre taillée) qu’il tient dans la main gauche, tandis que dans la main droite, un ciseau ou stylet permet d’identifier sa fonction. Au centre, assis les bras levés, sans doute en signe de désespoir, l’éditeur (identifiable aux livres – ces mêmes formes vaguement rectangulaires – déjà écrits (en pointillés) qui se trouvent devant lui.

La signification du personnage qui se trouve à la droite de l’éditeur est longtemps restée mystérieuse pour les chercheurs, mais je peux désormais (merci Carole) l’identifier avec la secrétaire de l’éditeur (son attribut serait cette sorte de casque (?) qu’elle brandit elle aussi et dont les bras sont reliés par un fil évoquant très nettement un appareil de communication à distance – certainement avec les divinités qu’elle interroge, afin d’éclairer l’éditeur sur l’opportunité d’accepter le manuscrit.

Nous ne saurons hélas jamais s’il fut édité – et quelle perte cela peut avoir été pour l’humanité;

Dénichée par Carole Mesrobian :

Monsier René Andertal
Rue de la Machodière
75002 Paris

Éditions Simone Yourcenar
3 rue de la poupée qui tousse
75008 Paris

Cher Monsieur l’éditeur,

Je me permets de vous écrire, à nouveau, au sujet de mon manuscrit, envoyé il y a quelques semaines. Je n’ai aucune réponse, aucun accusé de réception. Disons-le : rien. Sans doute ce silence est-il dû au fait que votre secrétaire ne vous transmette pas vos courriers de manière efficiente ! J’espère donc que cette fois-ci vous lirez ce message, mais j’avoue que ma confiance est sérieusement émoussée. J’ai tenté de passer par vous directement, j’ai cherché en vain un moyen de connaître votre identité, de vous contacter, mais rien à faire, c’est l’adresse de cette Simone Yourcenar qui apparaît partout. Aucun moyen de trouver comment vous joindre. Toutes les coordonnées rattachées à votre maison d’édition me renvoient sans cesse à cette dame… cette Simone Yourcenar. Peut-être est-ce votre compagne, faute d’être votre secrétaire, ou bien les deux, comme c’est souvent le cas ? J’ose espérer qu’elle ne fait pas elle-même et toute seule de surcroit une pré-sélection avant de vous faire suivre les propositions !! Car parmi les auteurs qui vous adressent des manuscrits, parfois des talents inconnus pourraient alors vous échapper et être publiés ailleurs, chez Georges Bonhomme, par exemple !

Et si je peux me permettre, Cher Monsieur, l’édition est une affaire sérieuse, et ce n’est pas un nom de femme qui vous fera vendre plus. Un livre, ce n’est pas une voiture ou un pot de crème anti-rides… Et certainement Madame Simone Yourcenar s’offusquera de ces quelques dernières lignes, mais je la préviens, je connais des Messieurs influents dans le domaine littéraire et universitaire, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour savoir qui vous êtes et si mon message vous est parvenu !

Voilà, j’ose attendre votre réponse, et, quel que soit votre avis sur mon manuscrit, je serais honoré qu’entre Hommes de Lettres nous puissions évoquer la Littérature.

Votre bien dévoué

René Andertal

lettre ouverte, date indéterminée, par Joël Dely:

Par Balou46 — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=66660628

Cher Ami,

car je peux bien vous appeler ainsi, n’est ce pas? Vous êtes le passeur, indispensable, entre le poète, souvent solitaire et peu enclin à la compagnie des hommes que je suis, entre le poète donc, et le vaste océan de la foule, du public, et de toute cette agitation que j’aborrhe, mais ô combien nécessaire pour connaître la célébrité….
Cher Ami, donc, je suis sans nouvelle de vous et de l’essor au monde de ce fameux manuscrit, cette Bible poétique, qui, selon vous, devait jeter un trouble, immense, dans la mare du lectorat très hétéroclite des poètes et poétesses de tout bords, connus ou inconnus…
Il faut dire, mon cher Ami, que je comprends un peu vos atermoiements, voire votre réserve qui se manifeste par un long silence. Ma démarche actuelle, en effet, ne facilite guère le dialogue. Isolé, depuis ma dernière déception amoureuse – une danseuse de cabaret qui avait un peu trop chez moi réveillé les fleurs du mal – isolé donc, sur l’île ô combien inhospitalière de Pitcairn, j’ai fait parvenir les dernières retouches demandées du manuscrit par la seule voie postale qui m’est actuellement accessible, une bonne vieille bouteille à la mer, dûment cachetée de cire et confiée avec confiance au courant, qui , je le sais, passe très bien entre nous. Bon, disons, l’équivalent d’une lettre verte (pas d’empreinte carbone) par voie maritime, et donc avec un délai d’acheminement qui peut, la formule est belle je trouve, flirter avec l’infini… Après tout, la chance étant le principal facteur de la célébrité, je ne prends donc guère plus de risque que d’être resté à terre, et de m’épuiser à vous assommer de mes relances pathétiques, ou d’irriter de demandes incessantes la noria respectable des éditions de tout poil. Du reste, mon très cher Ami, je n’attends guère de vos nouvelles. En effet, j’ai épuisé aujourd’hui ma dernière bouteille de rhum et la dernière tempête à emporté au large la majeure partie de mes rations laissées par le bateau qui ne passe ici qu’une fois l’an. J’ai donc décidé de consacrer mes journées à l’oisiveté et au bronzage, plutôt que chasser, ce qui est contraire à mes convictions, un gibier de toute façon inexistant faute de buissons ou se cacher, puisque l’île est quasi désertique. Il me semble donc déraisonnable, mon ami, de vous fixer un rendez vous décent dans ces conditions. Au plaisir, peut-être, de vous revoir, au cas ou la possibilité de ne pas faire de vieux os ici se verrait contredite par les caprices des lois de probabilités… A la revoyure, donc, en chair, ou en os (lol) , mon bien cher éditeur…

PS : ah, si d’aventure les fameuses retouches vous parvenaient, merci de tenir, malgré la distance, vos promesses !

Votre dévoué, Joel Dely.

Et la réponse de l’éditeur, parvenue ce 15 mai :

Glané ce matin sur facebook :


Jean Renhart :
Eh bonjour, Monsieur l’Editeur
Vous qui êtes sérieux et avez si grand coeur!
Sans mentir, si tous vos ouvrages
Vous procurent un tel achalandage
Vous êtes le Phénix du monde littéraire.

4 lettres reçues ce 13 mai – merci à Salvatore Sanfilippo

Monsieur

J’ai bien reçu votre courrier
Me faisant part de votre désir
De publier mes œuvres
Je vous en remercie
Je vais étudier votre projet
Avec le plus grand intérêt
Je ne manquerais pas de revenir vers vous
Pour vous faire part de mon intention
Mais je dois vous informer
Que je reçois beaucoup de propositions
Et les délais de réponses peuvent être conséquents
En vous remerciant de votre patience
Recevez mes sincères salutations

—————————————

Monsieur l’éditeur

Pourriez-vous publier mon livre s’il vous plait ?
C’est pour épater ma petite copine
Qui me prend pour un naze
Qui dit que j’écris des fadaises
Bien sûr je prendrais intégralement en charge
Les frais d’éditions
Avec un supplément pour le service rendu
Quand elle verra mon nom et ma photo
Sur la couverture
De votre prestigieuse maison d’édition
Reconnaissable entre toutes
Ma copine sera estomaquée
Elle ne me verra plus avec les mêmes yeux
Si vous acceptez de me publier
Ma reconnaissance sera sans bornes
Je vous assure
Merci d’avance

———————————————–

Monsieur l’éditeur

Quoi ?!
J’apprends que vous publiez Jean Dupont
Ce scribouillard
Ce gâte-papier
Qui n’a aucun talent
Qui noircit des pages blanches au kilomètre
Aligne des phrases poussives
Ennuyeuses au possible
Et vous me refusez moi
Qui écris avec infiniment plus de talent ?
C’est de l’aveuglement
Un manque de discernement flagrant !
Car oui Monsieur j’ai du talent moi
Et vous m’ignorez !
C’est bien dommage pour vous
Et votre maison d’édition
Qui gagnerait beaucoup à me publier
Vraiment vous me décevez profondément
Recevez mes salutations indignées

—————————–

Z’y va
Tu me publies là !
C’est pas parce que j’habite la zone
C’est quoi c’t’embrouille
J’suis pas un bouffon moi !
J’ai plein de poèmes
Grave !
Qui parlent de kif
De keufs
De meufs
Y’a pas que Beaudelare
Et Nainbaud en poésie
Mes potes y disent
Que j’écris comme un Dieu
La vie de ma mère !
Alors qu’est-ce que t’attends ?
Wesh wesh !

arrivée à l’instant sur messenger :

je suggère à Zazi Keuno d’utiliser un traducteur de sms pour se faire comprendre :

Arrivée le 12 mai :

merci à Miguel-Angel Real pour cette trouvaille

arrivée ce 10 mai

merci à Clara Régy qui nous a transmis ce courrier

Lunéville, le 9 mai 2021

Chère madame l’Éditrice

Ce matin, je pense à vous, en tournicotant ma touillette en bois recyclé dans mon gobelet en papier recyclé, les fesses maladroitement posées sur la selle de ma bicyclette au dérailleur d’occasion ! J’écris un peu dans mon style pour que vous me reconnaissiez… Malin, non ?
J’ai bien lu et relu votre mail m’annonçant que j’allais percevoir mon dû, cela m’a tout émoustillé ! Mais j’avoue que le chèque reçu, quelques jours après, ne correspond pas à mes attentes, vous êtes tellement débordée que vous avez dû oublier au moins 2 Zéros !
Je ne vous en veux pas : l’erreur est humaine !
J’ai fait mes calculs, ma sœur Huguette en a pris 10, tonton Louis12, mes collègues de bureau en ont commandé 3 pour l’amicale et ma femme : 3 caisses pour les offrir à Noël !
Y’ a un truc qui colle pas !
Madame l’Éditrice, je me permets donc de vous proposer mon aide, pour venir recompter avec vous, je vous assure que cela ne me dérange pas du tout !
Mes potes disent toujours « Robert » c’est un gars qui aime VRAIMENT rendre service !
Votre heure sera la mienne, mais ce serait mieux le soir, après votre dure journée, nous serons plus tranquilles. J’espère que la présence de mon meilleur ami Jean-Loup Garou ne vous dérangera pas non plus : il compte très vite !

A bientôt, alors.

Votre bien dévoué Robert Robert comme le dictionnaire

droit de réponse accordé à un éditeur lassé :

merci Franck Berthoux pour ce document

Cher éditeur et ami,

J’étais très content de publier chez toi, on s’embrassait sur la bouche, presque ! Quand mon livre a été sur ton étal, à l’occasion je ne sais plus à quel salon, je t’ai dit :

– Au fait, mon contrat ?

Tu as semblé étonné, absolument :

– Comment ? Tu ne l’as pas reçu ?

J’ai pensé que tu en faisais trop, je n’ai pas été convaincu. La suite m’a confirmé dans cette impression.

Tu ne m’as jamais envoyé de reddition de compte, comme la loi t’y oblige. Je sais, le mot de reddition a pu te déplaire, bien ce soit le vocable en cours. Ça sonne comme une défaite. Et quand on est un petit éditeur courageux, on est un peu révolutionnaire, on est au-dessus des lois, n’est-ce pas ? J’ai parlé avec certains de tes auteurs, eux non plus n’ont rien reçu. Ils sont comme moi, ils ferment leur gueule de peur de t’indisposer. Je me souviens d’un éditeur de gauche extrême qui déclara un jour dans une table ronde :

– Mes auteurs sont tous mes amis !

Et quand on est amis, on ne compte pas…

Je me souviens d’un de tes collègues, un petit éditeur courageux lui aussi, à qui j’ai fait l’affront de demander ma reddition de compte, la réponse a été cinglante, et narquoise. JE ne vendais pas, pas la peine… oubliant que c’était à lui de vendre ; d’assurer le service de presse, la promotion, tout ça… c’est à dire le cœur du métier de l’éditeur. Mais il manquait de moyens, c’est vrai. Comment le lui reprocher ? Donc c’était à l’auteur de faire vendre, pas à lui ! Soit une perversion des rapports auteur-éditeur. L’auteur peut accompagner les efforts de l’éditeur, mais ce n’est pas à lui de faire le boulot à sa place. Qu’en penses-tu ?

Il est quand même bizarre que les grands groupes, ceux qui ne pensent qu’à engraisser leurs actionnaires, assurent le minimum avec leurs auteurs sans rechigner : contrat, envois de services de presse, salons, reddition de compte systématique, et que les vrais défenseurs de la littérature comme toi estiment pouvoir s’en exempter.

Ne crois pas que je condamne ta profession entière ! Je fréquente de petits éditeurs qui sont de vrais pros et qui me respectent. D’autres encore avec qui la confiance est absolue – il est vrai que je ne vends pas chez eux des milliers d’exemplaires et que je n’ai pas besoin de mes droits d’auteur pour vivre…

Cela me fait penser à un de mes anciens éditeurs, un gros diffusés par Hachette, qui a eu le culot de me dire un jour :

– écrire ne peut pas être un métier.

J’ai compris que pour que lui en vive il souhaitait que je fasse ceinture…

Au fait : je t’ai envoyé un autre manuscrit, tu n’as même pas accusé réception. Alors que tu me tapes sur le ventre en me disant que je fais partie de la maison… d’édition, s’entend. Ai-je commis un impair sans m’en rendre compte ? Ou bien ai-je pensé trop fort ?

En toute amitié,

Matthieu Lermont

arrivée le 9 mai, sous enveloppe anonyme également :

arrivée le 8 mai 2021 :

merci à Lambert Savigneux qui nous l’a confiée

arrivée le 8 mai, la vidéo-tchat

Michel Thomas Vieulle : l’auteur en communication avec son éditeur

Une carte de Marilyse Leroux aux éditions A… – arrivée le 7 mai

arrivée le 7 mai 2021

arrivée le 5 mai… 1863

merci à Chantal Dupuy-Dunier pour cette découverte

Lettre d’Alex Doumas, auteur du cycle « Harlequin » : arrivée le 5 mai 2021

Cher éditeur et ami,

vous trouverez dans ce colis les 5000 dernières pages de mon cycle romanesque Harlequin, que vous publiez fidèlement depuis tant d’années, et distribuez avec tant de discernement et de succès.
Dernières pages en effet, car il me semble avoir fait le tour de toutes les problématiques liées à la thématique de l’amour et du couple – du mariage au bébé, de la séduction à l’adultère, des amours contrariées aux passions insensées, des émois de l’adolescence aux tendresses de la sénescence… ce fut une longue épopée, traversant les époques et l’espace, mêlant la recherche ethnographique la plus pointilleuse aux plus hardies hypothèses sur l’avenir… C’est bien le « manteau d’Arlequin » des passions humaines qu’ensemble nous avons tissé au fil du temps, pour un lectorat averti, et heureux – et je pense que nous les avons comblés. Mais il est temps pour moi, vingt ans après, de tourner la page.

Je souhaite désormais orienter mon écriture vers le monde minéral, et vous suggère comme titre de ce nouveau cycle « Pierre-haut ». Si vous le voulez bien, nous pourrions continuer à œuvrer ensemble et explorer depuis les profondeurs cryptique sous la croûte terrestre jusqu’aux cimes stériles des montagnes, tous les schistes, les roches magmatiques, les laves, les granits, les marbres, les calcaires, et le sable des plages. Ensemble, nous pourrons faire entendre le crissement des déserts, le grondement des canyons parcourus par le vent, le rugissement des avalanches, les sifflements des cristaux, les stridulations sidérales de l’espace, le fascinant monde immobile des pierres. Je ferai comprendre le désespoir de la pierre que la mousse dédaigne, la soif mystique de celle qui souhaite servir de fondation aux églises – je parlerai des liens de la pierre au mortier, des rêves d’évasion du parpaing, de la violence subie par celle que l’on jette, de l’humilité du caillou…

Ensuite, – le monde éditorial étant contraint à se renouveler dans ce XXIème siècle pétri de contradictions, poursuivant sa lancée vers un avenir incertain tout en tournant le regard, tel un Janus moderne, vers un passé d’où la technologie était encore à poindre – j’imagine que nous pourrions proposer aux lecteurs une série de manuels – j’abandonnerai la forme de documentaire romancé qui a donné corps à mon (disons notre – car nous avons oeuvré ensemble comme deux mousquetaires unis par le même idéal) immense célébrité afin de leur enseigner à écrire leur propre livre. A cette fin, nous pourrions leur procurer par correspondance des feuillets d’ardoise que nous pourrions leur livrer par abonnement (j’envisage ensuite de les faire passer à des inscriptions sur calcaire, puis gravure rupestre pour les étapes ultérieures). Cette façon novatrice d’envisager la lecture en commençant par l’écriture, permettrait d’adjoindre à la diffusion des livres un profitable secteur de produits dérivés : craies, ocres, poinçons, ciseaux…

J’espère que mon nouveau projet vous séduira – vous savez que vous pouvez compter sur mon infatigable production et mon indéfectible soutien.

bien à vous, toujours

Alex Doumas.

Carte postale aux éditions Moulé à la Louche : arrivée le 4 mai 2021

merci à Claire Boitel de nous l’avoir transmise

Lettre de Karl Bodlaer – arrivée le 2 mai 2021

Karl Bodlaer
rue de la Senne
78100 Bruxelles

Bruxelles, Le 2 mai 2021

Monsieur,

J’ai envoyé à l’adresse de vos éditions il y a quelques temps déjà – c’était juste avant le confinement – un manuscrit, et je suis toujours sans retour de votre part, malgré plusieurs courriers inquiets, mais cordiaux, de ma part.

J’ai attribué cette absence de réponse aux circonstances difficiles que nous fait vivre la pandémie – j’ai imaginé que vous aviez sans doute, comme bien d’autres acteurs du monde culturel, des contraintes nouvelles et j’étais tout prêt à vous en excuser. Mais je découvre aujourd’hui avec une vive indignation la publication, par vos soins, du recueil d’un certain Charles Baudelaire, intitulé Les Fleurs du Mal, dont j’affirme qu’il n’est qu’un vulgaire plagiat de mon travail, que je n’aurais jamais dû vous confier.

Je vous rappelle, au cas où vous l’auriez « oublié » que le manuscrit conséquent que je vous ai adressé comporte une centaine de poèmes, notamment des sonnets, forme à laquelle je suis fort attaché, et qu’il s’intitule Les Fleurs des Maldives – florilège de pensées et de souvenirs de mon âme d’exilé, à mon adresse bruxelloise, après une vie de voyages.

Comment puis-je, sans m’insurger, lire dans le recueil que j’ai trouvé hier chez le libraire, le calque de mes vers :

« Souvent pour s’amuser, les enfants sur la plage
Suivent des goélands, vastes oiseaux des mers »,

ou, à peine démarqué, le pillage (ridicule) du poème écrit à la gloire de ma patrie lommoise – car, bien que vivant à Bruxelles, je suis né à Lomme-lez-Lille, et j’ai chanté ce lieu ici :

« Lommois, toujours tu chériras ta mère 
Car elle est ton miroir, et tu contemples l’homme
Dans le scintillement de ses néons fantômes
Et ton âme s’y plaît comme dans du mohair ».

Je tremble encore de ma juste colère, et suis incapable de lire davantage, confronté à tant d’impudence ! Voler l’oeuvre d’un poète et l’attribuer à un autre ! Monsieur, il faut une grande malhonnêteté, pour ainsi dépouiller un auteur qui vous fit confiance, et vous livra son âme avec son manuscrit !

Pauvre France ! Eussé-je été d’une autre époque, je vous aurais, Monsieur, donné rendez-vous sur le pré – hélas, notre siècle ne permet plus de venger son honneur d’une digne façon. Il me faudra recourir à la justice – mais tremblez, Monsieur, tremblez, car ce vol inqualifiable ne sera pas impuni, et la gloire à laquelle j’aspire, pour ces Fleurs des Maldives ne sera pas plus longtemps attribuée injustement à un inconnu dont le pseudonyme, de toute évidence, est un calque de mon nom – tentative d’usurpation d’identité sans doute, liée au larcin que vous commîtes, et que vous payerez tous deux !

Je ne vous salue pas, mon avocat vous écrira.

Karl Bodlaer