.

.

8
Lucilla Trapazzo (trad. M. Bertoncini), Brigitte Besos, Muriel Verstichel, Flore Iborra, Mircea dan Duta (trad. anglaise Judit Antal, trad. fr. M. Bertoncini), Lydia Lardet Szafulski, Anne-Marie Jorge-Pralong-Valour, Jacqueline Fischer, Antoine Geniaut.

.

.

Una Stella / Une étoile

Lucilla Trapazzo

.

Una stella

.

Nella notte ghiaccia di pannelli ai vetri

sei di nuovo feto

nata una seconda volta

compiuta

nell’innesto della schiena piccola

dentro corpo grande

.

Potrebbe la tua mano

(che invoca la curva del mio addome)

rivelare armonia lucente e riempire

il buio

.

Amarsi senza dirlo amarsi senza farlo

nelle crepe lì dove l’abisso s’apre

padre e madre siamo

anche stanotte di una stella.

.

Une étoile

.

Dans la nuit, qui couvre les vitres de givre

tu es à nouveau fœtus

née une seconde fois

complète

dans la greffe de la petite colonne vertébrale

à l’intérieur du grand corps

.

Ta main pourrait-elle

(elle qui invoque la courbe de mon abdomen)

révéler la lumineuse harmonie et remplir

l’obscurité

.

S’aimer sans le dire s’aimer sans le faire

dans les fissures où s’ouvre l’abîme

père et mère nous sommes

ce soir aussi d’une étoile.

.

trad. Marilyne Bertoncini

.

photo Lucilla Trapazzo

.

.

Solstice d’hiver

Brigitte Besos

.

                                     

Etrange nuit d’hiver

Quand l’étoile polaire se perd

Dans l’encre noire du Pôle Nord sans lumière…

         Un soleil brûle encore tout au fond du corps,

         Fleur d’or immobile du grand temps vertical

         Qui monte et descend en spirales

         Dans les nervures de la Présence .

Le vieux vaisseau penche son mât au bord des ombres

Sous les voiles du songe déchiré d’aurores …

         Dans le naufrage, vient l’ouverture :

         Tout au fond de la blessure….

Loin des abîmes dont tu dessines les bords,

         Célèbre enfin librement les noces bleu vert

         Du ciel boréal et de la terre ancestrale !

Ecoute tous les sons qui irradient le monde

Comme ce chant d’oiseau si clair

Qui ensoleille les brouillards !….

         Dans la terre germent les graines de rubis

         Comme larmes du Christ dans la coupe de vie…

         Et déjà se lève l’aurore

         Dans le cristal de ta nuit

.

….A chaque instant, tout n’est que souffles du Présent….
.

  inédit – Extrait de Présences ou les sms de l’Ange – 2022/2023

.

BRIGITTE BESOS   Professeur de lettres, conteuse, nouvelliste, poétesse, a réalisé des spectacles de contes, projets culturels et d’écriture en Rhône-Alpes et Alpes Maritimes. Prix de poésie Ile de France 85, 1er Prix Bourse de la Nouvelle 87 avec  « la Mort Bleue », « Minuit »  nouvelle poétique 87 Revue Résonance….

.

.

Fragment nocturne

Muriel Verstichel

.

photo Muriel Verstichel

.

Un feu brûle en moi

de ceux qu’on allume parfois

sur les berges d’une humide nuit

quand l’eau dans l’air saisit le corps

et fait qu’il tremble au-delà

de la chair et du sang

jusqu’à la moelle des os

jusqu’à s’unir aux tremblements de la terre

Il ne manque rien

     Une voix peut-être

sortie des ruines de l’aube

qui ne craint ni les flammes ni la nuit

son chant insatiable dans les nids

dénouant le fil en moi d’un poème têtu

armé de vie et de mystère

.

Muriel Verstichel, née à Lille, vit à Valenciennes, poète-textilienne, elle anime depuis de nombreuses années des ateliers d’écriture. Elle a publié plus de quarante recueils, de nombreux livres d’artistes et un roman. En 2020, « Du bleu entre les lignes » Ed. Le texte et la parole, Prix de la Ville de Calais ; en 2023 Chorale des verdures Éd. Le texte et la parole ; Heurs de la neige, roman aux Ed. Chopena, Prix Art’ifice 2020.

.

.

Flore Iborra

.

Juste ce retrait de la lumière

à peine hissée sur la façade

jaune pollen

et bleu intense

bientôt réfugiée sur les toits

résolue à se fondre

à disparaître

dans la nuit chaude de septembre

dans la douceur d’un abandon

qui gagne au loin la plage

se répand sur le souffle immense

bientôt les vagues plongeront dans l’obscur

de cet instant

nul ne parle

mon aile froissée prend le vent

humant les indices fragiles

de ce ciel d’encre qui avance

comme un amant sûr de son fait

s’avance vers son rendez-vous

chaque seconde qui bascule

me parle plus que de raison

dans le sablier tout s’inverse

les grains noirs

charrient des lueurs.

Mon corps s’incline  à la fenêtre

je veux guetter n’importe quoi

le pas des ombres

se colle à moi

m’habille de fins duvets gris

noirceur penchée sur la noirceur

mes yeux sont pâles pour la nuit

pour ce vide

sur le rivage

où des vagues remuent leur nom.

.

Flore Iborra a travaillé dans l’audio-visuel, à Paris, à Toulouse et la région Occitanie et se consacre désormais à la poésie dans les Corbières, à Fontjoncouse. Prix Voix d’ici, 2019, prix Amavica,2020, prix du Sentier des poètes en 2021 ; Eros Rhapsodie (livre d’artiste2015), La Boussole
Mélancoliqu
,2022 ; Organisation du festival de poésie Les Mots du Vent (Fonjontcouse) créé en juin 2022 et porté par l’association Livre au Vent dont elle est Présidente.

.

.

Have No Mercy on Us I : Passport Control 

Mircea Dan Duta

.

Have No Mercy on Us I : Passport Control 

.

Over the border

an arch 

like a half-moon 

on each minaret

and the strange songs of muezzins  

calling to prayer.

I am only able to hear them,

I can´t see them,

as if their songs would spring 

from within those chilling, cold, stock-still

stone columns and cupolas. 

And only when the real moon

rises into their eerie skies,  

I finally realize

to whom are they praying

and that my only chance 

not to become a singing stone

is praying along with them.

.

trad. Judit Antal

Aucune pitié pour nous I : Contrôle des passeports

.

Au-delà de la frontière

une arche

comme une demi-lune

sur chaque minaret

et les chants étranges des muezzins

appelant à la prière.

Je ne peux que les entendre,

je ne peux pas les voir,

comme si leurs chants jaillissaient

de l’intérieur de ces glaçantes, glaciales, immobiles

colonnes et coupoles de pierre.

Et ce n’est que lorsque la vraie lune

s’élève dans leurs sinistres cieux,

que je comprends enfin

à qui s’adresse leurs prières

et que ma seule chance

ne pas devenir une pierre chantante

est de prier avec eux.

.

trad. Marilyne Bertoncini

.

.

Lydia Lardet Szafulski

.

collage et poème : Lydia Lardet Szafulski

.

Lydia Lardet Szafulski est plasticienne marionnettiste. Elle a exercé pendant 20 ans la profession d’éducatrice auprès d’enfants présentant une déficience intellectuelle. Autrice d’un premier album jeunesse »Les petits bonheurs au jardin de Grand-mère Haida » aux éditions « Le texte et la parole » (2023), elle fait partie des amis de la maison de la poésie des Hauts de France. Parution de poèmes dans le prochain numéro de la revue L’Estracelle.

.

.

Comme jamais

Anne-Marie Jorge Pralong-Valour

.

Il m’a traversée

Habitée

Imprégnée

Embaumée

Gaspard de la Nuit noire

Sur l’herbe entoilée

Reflets moirés

Et

La lune comme jamais

.

Tiédeur d’une peau

Reconnue

Boire le musc

Après haute absence

Et langue douce

.

Dans un creux d’épaule

Blottie comme dans une nuit

De pluie

L’eau tremblait d’échos

D’écailles de reflets froissés

Tout près

.

À travers les feuilles du peuplier

La lune comme jamais

.

Je l’ai partagé avec l’herbe souple

Et le sentier

Le long du bras de la rivière

.

Comme jamais la lune s’imposait

.

Anne-Marie Jorge Pralong-Valour vit et travaille comme professeur de lettres en Nouvelle-Calédonie depuis 1980 – Sociétaire des Poètes Français, elle a publié  Tant qu’il y aura une aube » en 2019
« Margeride » en 2020. Les Éditions Écrire en Océanie ont publié en 2020 « Aube Pacifique », recueil consacré à son territoire d’adoption La Nouvelle- Calédonie.

.

.

.

Jacqueline Fischer

.

La nuit parfois quand quelque chose vient d’on on ne sait où qui mord le coeur avec une tendresse presque offensante,

.

 La nuit alors se lèvent d’immobiles tempêtes derrière des yeux scellés, ciellés de mauve et de griserie.

.

La nuit se diluent des secrets inavoués tellement évidents qu’ils creusent et croisent au large de pays rayés de la carte de Tendre avant même qu’une main hésitante les y ait inscrits.

.

La nuit se gravent des heures légères et pourtant sombres, d’un tombé de chevelure molle qui se détend en cherchant une vaine échappatoire.

.

La nuit quand les pleins osent se délier, je pense à vous.

.

Jacqueline  Fischer professeur de Lettres Classiques, poète, textilienne et artiste en art  numérique. Auteur de la Demeure Mentale , récit, LGR 2005, et de quelques autres recueils inédits ou auto-édités.Publications dans diverses revues.  Pour plus d’information voir le site Du textile au texte.

.

.

Antoine Geniaut

.

.

soleil et ciel bleu dieu ce que je vous dois

dieu ce que mon humeur doit à votre empire

dieu ce que mon moi change quand il vous voit

je nais ou je renais d’être par vous nourrit

.

tout l’espoir du monde et la légèreté

s’écoulent de votre belle apparition

.

tout semble plus simple le cœur comme l’esprit

la vie bien plus douce acceptable vivable

.

et pourtant dieu ce que j’aime le soir

dieu ce que j’aime la nuit cette ombre à la journée

où vivre caché le rêve inspiré

d’habiter les étoiles vertige de clarté

.

j’aime et le ciel bleu clair et celui de la nuit

comme j’aime et l’instinct et la raison

comme j’aime et l’espoir et la mélancolie

.

Royon, 16h20, 31 décembre 2020

.

Né en 1988 dans le Pas-de-Calais, Antoine Geniaut vit et travaille désormais à Sète. J’écris surtout de la poésie et de la littérature jeunesse, mène aussi une activité musicale (https://antoinegeniaut.bandcamp.com/), et réalise des collages (https://ressource-humaine.tumblr.com/). Liens : https://antoine-geniaut.art/ (site en construction), https://www.facebook.com/antoinegeniautpage/

.