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L’émoi de ce jeudi confine à l’indignation…

Jeudidesmots.com s’attache à publier et promouvoir, avec honnêteté, sous forme d’anthologie, le travail des auteurs qui nous adressent des textes lors de nos appels pour une publication dans un ouvrage collectif. J’imagine que la maison de la poésie de Corse, menée par Norbert Paganelli, fait de même avec les recueils nés des concours lancés par Casa di a Puisia et publiés par les éditions Scudo.

Et voilà que…

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C’est avec surprise que je découvre, pas le hasard de la page d’actualité de facebook, que le recueil Ephéméride, feuilles détachées, publié par les éditions Pourquoi viens-tu si tard ? est devenu un recueil publié par Grégory Rateau, devenu par le même coup de baguette magique, l’auteur unique également de Le Désir, choix de textes aux éditions Scudo…
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Un regard sur le catalogue des éditeurs lèverait le doute, si un critique sérieux dont on suit les publications, dans une publication numérique dont le sérieux n’est pas à prouver, n’avait eu une confiance absolue dans les déclarations d’un auteur qui revendique la vérité et le réalisme de son rapport au monde à travers ses écrits, si j’en crois l’article qui précède cette biographie mensongère. … Et je m’interroge sur l’état actuel de la critique littéraire.

Ces informations, si faciles à vérifier, ne jettent-elles pas une ombre sur le bien-fondé de la critique dithyrambique qui précède ? Si le critique, n’a pas su lire ou vérifier les informations de la biographie, peut-on raisonnablement se fier à ses parallèles avec Lautréamont … mais aussi avec les « maîtres » du poète – « Benjamin Fondane, Philippe Jaccottet, et Rimbaud » dans une recension convoquant en conclusion Mahler et Satie. Ma perplexité redouble à la lecture des extraits proposés : où, Lautréamont ? dans le « phare dans la lucarne » ? (que j’éviterais d’analyser d’un point de vue psychanalytique). Où, Rimbaud ? Je n’imagine pas que le critique confonde avec « Le Bateau ivre » ce passage où un « baby-Rimbaud » « à présent isolé à la proue / …use (s)on pouce pour prédire le climat » ? … quant à Satie et Malher, unis dans le même malheur, via une citation du poème, c’est du pur name-dropping1 qu’il s’agit– cette technique visant à convaincre de la culture ou de la notoriété du locuteur …

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Allons donc, où est ce réel, dont le critique, hélas mal avisé, qui n’a pas vérifié ses sources, souligne l’importance, ce réel qui « frappe comme un boxeur » et qui « s’agrippe aux phrases » ? Malheureusement, il semble que ce « réel » ait tout de la pose, de la posture : a-t-on besoin pour évoquer la guerre de veuves – évidemment « éplorées » – et d’enfants gambadant à travers de romantiques cimetières, dans ce cliché qui a tout d’un vieux chromo repassé et remâché  : La campagne éteinte / La pluie claque / souffrent les arbres tordus et suppliants –, un cimetière – les gamins courent entre les pierres tombales / indifférents aux inscriptions carbonisées / aux supplications des veuves éplorées …

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Plus largement, apparaît le problème des réseaux sociaux, sur lesquels j’ai trouvé le lien vers cette note de lecture. Ils fourvoient leurs utilisateurs autant que les critiques : les autopromotions abondamment relayées et ornées de satisfecit et de compliments décernés par les amis des amis… font qu’une critique, naguère avisée, hésite à dire la réalité – et peut-être ne la perçoit-elle même plus. C’est l’effet Andersen (pardon pour la simplicité enfantine de ma comparaison) du conte Les Habits neufs de l’Empereur :

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Escroqué par des malandrins et persuadé de parader dans le plus beau des costumes, le roi ainsi non vêtu est encensé par tous, courtisans et peuple, l’effet de conformisme faisant craindre à chacun d’être seul à ne pas voir le costume arboré, et de se tromper2. Seul un enfant, préservé des préjugés, osera énoncer que « le roi ne porte pas de vêtements ». On espère vivement que la critique retrouve sa rigueur, et se libère du carcan de la recension qui fait plaisir aux auteurs, mais qui les fourvoie autant que ses lecteurs. Un travail honnête mérite mieux que des compliments qui le défigurent en grossissant ses faiblesses.

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note :

1 – en français, le lâcher de noms qui « consiste à se servir de la magie qui émane du nom de célébrités pour asseoir sa propre supériorité tout en amenant son voisin à prendre conscience de la terne existence qu’il mène. Le lâcher de noms est une composante du snobisme et l’une des missions du snob est d’encourager chez autrui un sentiment, même vague, d’inutilité. »— Joseph Epstein, Narcissus Leaves the Pool

2 – je renvoie à l’expérience de Solomon Asch (1907-1996) un psychologue américain d’origine polonaise qui réalisa dans les années 50, une expérience pour étudier les effets de la pression sociale sur le comportement. Répliquées plus d’une centaine de fois dans près d’une vingtaine de pays de cultures variées, les résultats obtenus different assez peu : les gens conforment 20 à 40% de leurs réponses à celles du groupe. « C’est presque comme si les gens disaient voir un chat quand on leur présentait l’image d’un chien parce que d’autres l’avaient fait avant eux » (Thaler, R. H. et Sunstein T. R., p.107).