.

Je vous présente Emanuela Rizzo, personnalité généreuse et solaire, née dans le sud de l’Italie, à Galatina, vivant à Parme et travaillant à Milan. Elle a publié un recueil de poèmes, Cuore di Fico d’India (Coeur de figue de barbarie) et des aphorismes.

.

.

Ce qui émeut, dans les textes et la vie d’Emanuela, c’est la même profonde volonté de réunir les hommes entre eux, de renouer des liens avec la nature, à travers et par le moyen – sans doute un peu fou – de la poésie, en laquelle elle croit avec énergie, qu’elle dissémine, à travers les mots d’autrui, qu’elle fait briller autant que son sourire, dont on devine qu’il a croisé beaucoup de larmes, mais qui lui permet, par-delà les épines, de porter des fruits, comme le figuier de barbarie.

En effet, Emanuela Rizzo – avec qui j’avais lancé la récolte de textes pour l’anthologie sur les feuilles tombées, Ephéméride, feuilles détachées, organise (avec son « complice », le poète Luca Ariano) des événements poétiques originaux et singuliers auxquels elle convie généreusement des poètes, dans la proximité autant qu’à l’international :

Ainsi des rencontres au cimetière pour raviver les mots et la mémoire de poètes disparus et enterrés dans la ville où elle vit, dans le cadre de Città della Memoria , qui rassemblent poètes et auditeurs dans un parcours-pélerinage aux pauses riches de mots et de musique…

Mais ce sont aussi des lectures, comme celle du 2 octobre, dans la forêt urbaine nommée Picasso Food Forest, où les enfants découvrent, à travers les mots qu’ils lisent, le pouvoir de la poésie pour redonner sa juste place à l’humanité dans un monde qui serait plus fraternel, plus humain, plus respectueux de notre place dans un écosystème malmené.

.

.

C’est aussi le sens de l’initiative qu’elle avait lancée lors du premier confinement dû à la pandémie, et qui a permis (et permet toujours) sur facebook, de dire et écouter des poèmes, avec la page #iostoacasaquestaseraevileggounapoesia – qui prouve que les réseaux sociaux sont loin d’être à négliger.

.

.

Emanuela Rizzo, grande admiratrice d’Emily Dickinson, distille une sagesse empreinte de force autant que de douceur, dans des mots d’une extrême simplicité, que je vous invite à découvrir à travers quelques aphorismes de son dernier recueil, où elle se livre, sans afféterie, à travers de brèves considérations sur la nature, la poésie, la photo, offrant à qui veut bien les lire le partage de son âme :

.

J’aime qui aime le vent. Qui avance malgré le vent, qui danse malgré le vent, dans le labyrinthe de la vie.

*

Chacun de nous porte en soi le germe de l’espérance. Le planter dans le jardin d’autrui rendra le printemps plus beau et parfumé.

*

Une branche qui se casse finira par tomber. Une branche cassée n’a plus de racines.

*

Il y a la même électricité dans le ciel et dans le cœur des gens. Il faudrait avoir davantage conscience de cette interdépendance.

*

Rien d’impossible dans la nature. J’ai vu des arbres aux racines distantes se réunir et parvenir à entrelacer leurs branches.

*

Voyez comme la nature est sage, comme elle est parfaite. Même dans sa phase de décadence, elle offre au monde sa beauté. La maladie, les épreuves de la vie font souvent émerger dans l’homme ses pires côtés, alors qu’on devrait être comme les feuilles d’automne et jusqu’au bout offrir notre beauté. Qu’y a-t-il de plus beau que les vives couleurs des feuilles d’automne ?

*

La barque sur la rive se reposait, comme la vague sur le sable et un soleil nué de rose caressait tout le ciel. Tout autour était la paix.

*

J’aime me mirer dans les yeux d’autrui et y trouver le ruisseau limpide qui me rassure.

*

Tu as épines et racines pour résister et t’accrocher à la vie. Tu as tous les outils pour survivre. Ne cesse jamais de donner, sois le fruit qui comble la plante de vie. Sois source de vie et jamais messagère de fin.

*

Il faudrait cultiver le germe de la reconnaissance et non celui de l’opportunisme, mais nous cheminons dans un jardin couvert de narcisses.

*

Tu me retrouveras dans l’écorce écorchée d’un arbre qui toujours fleurit.

*

A toi, qui gardes mes poèmes comme s’ils étaient des diamants… non pas parce qu’ils seraient les plus beaux vers au monde, mais simplement parce qu’ils m’appartenaient, et tu savais, en silence, prendre soin de moi.

*

J’aime les photos en noir & blanc, parce qu’elles me projettent dans un espace-temps antique dans lequel, malgré l’absence des couleurs, les émotions avaient une chaleur singulière. Elle, c’était une comète : un éclair de lumière dans le ciel, qui durait le temps de faire un vœu.

*

Les papillons, un à un, s’envolaient pour rejoindre le ciel, insoucieux de la chaleur du soleil, poussés par un amour viscéral de liberté et d’amour. Les papillons vivent le jour avec intensité. Pour comprendre le sens de la vie, on devrait être papillon.

*

Les bancs, même vides, ont toujours quelque chose à me raconter. Je m’assois et j’écoute : les rêves, les paroles, les confessions de qui, un jour, est passé là et s’est assis, tout comme moi… en passant.

*

Certains endroits à Parme étaient romantiques come le parfum des tilleuls au printemps. Songes et désirs y étaient bercés comme des feuilles aspirant à un septembre doux.

*

Faites que la brise matinale soit votre peigne d’oxygène.

*

Les poètes sont mes héros, ils souffrent doublement, et résistent le triple.

*

(traduction Marilyne Bertoncini)