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5 – Marc-Henri Arfeux – Antoine Simon – Jean-Yves Gosti ( texte et sculptures) – Yannick Resch – Laurent Thinès – Jean-Marc Barrier (poème et encre) – Anne-Lise Blanchard – Béatrice Machet – Eric Chassefière – Stéphanie Vermot-Petit-Outhenin

6 – Cathy Garcia-Canalès – Sarah Lecina – Christophe Pineau-Thierry – Jean-Claude Bourdet – Jean-Charles Paillet – Thierry Pérémarti – Charles Akopian – Flore Iborra – Muriel Verstichel – Eve de Laudec

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5

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Marc-Henri Arfeux

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J’ouvre la porte et mon corps,

Fidèle et joyeux comme une balle,

Devient le poème de ce jour.

D’un bond, il rejoint la lumière

Finement tissée d’hirondelles

Et d’un reste de lune,

Le fil soudain tracé de l’horizon

Par une invisible main amicale

Qui lui propose de sauter au-delà

Pour aller voir si le ciel continue

Et ressemble bien à l’inédit qu’il supposait.

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Mon corps déambule sans soucis,

Mon âme pliée en deux dans sa poche,

Pour ne pas oublier l’adresse de son apesanteur,

Ni la maison natale qui s’y élève

Comme une lampe, une goutte, la respiration

Du silence quand il tend l’oreille

À l’approche d’un pas sur l’ambre d’une rue.

Le monde a des égards envers mon corps

Qui prend soigneusement note de ses présents

Afin de tout restituer le moment venu,

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Celui du poème, celui de la mort,

Où mon corps, tirant mon âme de sa poche,

Relira l’adresse où lui faire parvenir

Ses dernières volontés charnelles,

Sans doute un poème du corps

Que mon âme, surprise par cette attention,

Récitera lentement,

Émue et soudain seule comme une pivoine

Après l’averse du matin.

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Marc-Henri Arfeux est né à Lyon le 24 février 1962. Docteur en lettres modernes, il enseigne la philosophie à Lyon. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dans les domaines de la poésie, du récit et de l’essai. Il collabore régulièrement avec les revues Terre à Ciel et Rumeurs.  Il est également peintre et compositeur de musique électroacoustique.

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Antoine Simon

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Voilà que le doute s’instaure

mes artères ont un certain âge

même le monde se fait vieux

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on dirait bien qu’il m’accompagne

dans ces contrées d’obsolescence

où tous les repères se perdent

.

le monde n’en fait qu’à sa tête

et moi je n’en fais qu’à mon corps

défendant mais en pure perte

.

la veuve et l’orphelin qui geignent

entre les ruines de leur vie

et la girafe qui se peigne

.

tous les deux nous nous ressemblons

le monde et moi rien à nous dire

ce rien des échanges secrets

le rien de nos non-mots de passe

le signe de non-connaissance

nécessaire pour nous lier

.

ne plus savoir qui l’un qui l’autre

et naviguer à vue de jour

en jour sans sextant ni boussole

.

juste laisser aller les choses

comme elles veulent bien venir

sans intention d’intervenir

.

souffrir de la toute souffrance

mais ne pas être indifférent

à s’en faire saigner les dents.

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Antoine Simon est né, il en fut le premier étonné. Le moment n’était pourtant pas des mieux choisis, c’était en 1943, à Toulon. Son étonnement grandit en même temps que lui. Ainsi était-il publié dans des revues poétiques de qualité dès 16 ans. Poète performeur, il sort la poésie du texte pour la placer dans le corps, la voix, les circonstances.  La poésie comme chemin de vie qu’il transporte en France et ailleurs en festivals et rencontres. Il se garde de compter le nombre de livres publiés ou de parutions en revues et anthologies. Trois livres à paraître dont l’un en Serbie début 2024. voir sur la suite ici

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Jean-Yves Gosti

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J’aime bien me mettre en danger quand il y a une deadline à respecter.

Ce n’est que dans l’urgence que je peux trouver des solutions plastiques aux problèmes que me pose mon travail.

Encore une fois, ça s’est avéré vrai aujourd’hui !

Comme je devais découper et souder pour finir mes petites sculptures pour Paimpol, j’ai entrepris de travailler un soc de charrue.

Soc qui n’a rien à voir avec la galerie et la présentation samedi de mes sculptures…

Travail supplémentaire qui me prend un temps précieux dont j’ai normalement besoin pour finir à temps le travail commencé.

(Je pars demain…)

C’est comme ça, je n’y peux rien, comme une obligation, une roulette russe temporelle.

Ça m’oblige à travailler vite, un côté primaire, primitif ou tout se passe instinctivement.

Ce n’est qu’en fin de journée, une fois le calme revenu à l’atelier, que je me suis rendu compte que peut-être tous ces trous déjà existants dans ce morceau de métal pouvaient se rapprocher de tous ces trous que l’on m’a fait lors de mon opération…?

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L’œuvre de Gosti (né en 1960, à Paris) est indissociable de l’homme, de l’aventurier amoureux de la vie. L’achat de ses premiers blocs de marbre noir en Belgique oriente son chemin qu’une boussole providentielle ne fera jamais dévier malgré les interruptions. La sculpture est rivée au corps.  voir plus ici

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Yannick Resch

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les aléas du poème

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c’est une fin de journée d’automne

l’air est transparent

la lumière intemporelle

on ne pense à rien

on reste là immobiles

moment de plénitude

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tu avais commencé d’écrire

ces quelques lignes

à ton retour d’Athènes

avec sous les paupières

la mémoire d’une clairière

de lumière traversant un plateau

de pierres, de colonnes de temples

.

c’était sans prévoir

les frissons du corps

la fatigue la fièvre

les bronches engorgées

la voix cassée, perdue

impossible de lutter

.

tu mesures ta vulnérabilité

ta colère impuissante aveugle

aux rayons apaisants du soleil d’octobre

les mots du poème t’ont désertée

ils ont fui l’odeur douceâtre de la plainte

.

soudain l’actualité cogne aux oreilles

violence haine massacre

le sang gicle à l’horizon

la terre saigne

impossible d’ignorer

.

passé la stupeur

ton corps s’arrache à la tragédie

sous tes mains renaît

le désir impérieux d’écrire

et d’insuffler aux mots du poème

la sève rouge de la vie.

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auteure de plusieurs recueils poétiques et d’essais biographiques,  Yannick Resch anime à Aix-en-Provence un groupe de poésie. Elle participe parallèlement à des jury de poésie.

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Laurent Thinès

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Tu marches dans ce corps

sous quelque chose de pesant

quelque chose de plus fort que toi en tout cas

comme le sont toutes ces choses qui savent comment enserrer notre poitrine

de l’intérieur

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Tu ne parviens plus à ouvrir les alvéoles de ton cerveau

tu ne parviens plus à remplir d’oxygène tes pensées

tu ne parviens plus à faire circuler le sang de tes rêves

au-dedans

l’envie s’en va

.

c’est ce que tu crois que tu écris dans le silence

.

Tu marches

et la vie s’en va

.

Tu as l’impression d’être un poisson silure sorti du fleuve

tu marches les yeux posés sur la berge

la bouche exorbitée à côté

de ce corps qui crie en silence

sans air qui ne rentre

ni ne sort

de l’o-mé-ga

;

Dis

comment tu fais pour marcher encore

.

Comment tu vis

sans respirer dans ce corps de silence

.

Tu marches et tu écris avec ce corps

que tu as la gorge sèche

que tu ne sais plus si

c’est parce que tu as arrêté de respirer que tu as la gorge sèche

ou si c’est parce que tu as la gorge sèche

que tu ne parviens plus à respirer le silence

.

En tout cas l’air reste bloqué dans ta bouche

depuis que tu as soif

d’une absence

.

Tu tentes de l’étancher

dans un grand verre d’absinthe

Tu gardes la gorge sèche

Tu te décides à arrêter de respirer

pour enfin rendre grâce et cor

à l’amor et son silence

Jean-Yves Gosti

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Laurent Thinès est artisan neurochirurgien et compositeur de poèmes né en 1974 et vivant actuellement. De Besançon, il collabore à plusieurs revues ou livres collectifs, publie des recueils de poésie comme La patience des araignées (Librairie Galerie Racine 2021), Pré-cheyenne (Z4éditions 2022) et Le souffle et la sève (Musimot 2023) et entretient le blog de poésie http://poemelorenzaccio.canalblog.com

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Jean-Marc Barrier

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encre de Jean-Marc Barrier

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La nuit prolifère

je regarde ce que me fait ce silence

l’esprit grec du voyage

chanter dit-il ou faire un feu

le poème m’écrit une lettre noire

que la nuit énumère

l’essentiel est ce pas en avant de soi

l’angle le cœur s’ouvrent

la perte est notre bien commun

la chute envole nos rêves

mais c’est l’instant joueur

le délié si plein dans le ductus de l’instinct

la nuit est première

j’embrasse le mot monde

je serre mon voyage

une chaleur s’incarne en encre

tout est vif et doux comme la peau

visages    îles     couleurs

et retrouver l’étendue

dehors dedans tout se rassemble

d’un geste     d’un abandon

le corps est fait d’encre et de repos.

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Jean-Marc Barrier vit entre mer et montagnes dans l’Hérault, où il aime écrire et dessiner, faire des livres avec des amis. Il anime la Table d’écriture, atelier mensuel à Caux, et co-anime l’émission Les arpenteurs poétiques sur Radio Pays d’Hérault.

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Anne-Lise Blanchard

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Jubilatoire l’exercice où se
bouscule née du pied née de rien
nœud d’une interrogation la phrase
gorgée de lise

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va chausse tes brodequins pars
déchirer la brume froisser les feuilles
t’ébrouer
dans le minéral les yeux fixés
sur la cime
le souffle se met en place
des bulles
se forment de l’herbe aux lèvres

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l’articulation du mot procède
de l’articulation du pied la texture
de l’un vient de la résistance de l’autre
le pied glisse dans la glaise le mot glisse dans la gorge
l’un et l’autre frayant le relief
creusant sa langue

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va folâtre pérégrine sur les marges
mastique la structure ta marche génère
aux lèvres mots de glaise ou d’éther
et la phrase s’embrase à l’écart des algorithmes
la grâce te rattrape sous l’œil scrutateur
d’un vieux chamois

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Anne-Lise Blanchard vit au pied de la Chartreuse dont elle aime à parcourir cingles et sommets.  Organise des événements liés à la poésie. Une trentaine de livres publiés dont : Une odeur d’enfance, poésie jeunesse, Voix Tissées, 2023 ; Soliloque pour ELLES, livre d’artiste, Transignum, 2023 ; L’Horizon patient, Ad Solem (2022) ; Le Ravissement de la marche, Atelier du Grand Tétras (2021). https://anne-lise-blanchard.com/

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Béatrice Machet

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Auteure de 10 recueils de poésie en français et 4 en Anglais. Dernière parution : TOURNER ;
Petit précis de rotation (éditions Tarmac 2022); RAFALES à paraître en 2024 aux éditions
Lanskine. Conférencière et traductrice des poètes contemporains Indiens d’Amérique du
nord.

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Eric Chassefière

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Laisser assis dans la volupté de l’écoute

résonner longtemps cette voix d’avant les mots

ne parler d’abord que pour soi-même

former les mots du seul désir de parole du corps

ces mots en façonner la vérité physique

y chercher plénitude de son désir

délicatesse de la part d’inexprimable de ce désir

.

laisser doucement naître cette voix intérieure

chaque mot l’entendre avant de l’écrire

faire que le poème soit écoute

qu’on n’écrive jamais que s’écoutant

écoutant cette musique du corps qui nous exprime

qu’écrire ne soit acte de volonté mais d’accueil

souffle ne soit donné mais offert

.

*

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Vivre ainsi à hauteur de sa solitude

sentir ces jours comme ils tiennent à peu

comme le fil de la voix est ténu

la musique du jardin intérieure

égrener note après note cette sonate de Haydn

dont la beauté n’est que dans sa légèreté

chaque note en faire empreinte que le vent efface

.

jouer doucement les mots au clavier du silence

écrire pour alléger le corps

écrire comme le chemin se perd

comme la lumière caresse l’ombre sur le mur

faire musique de délier le corps

entendre comme le silence est léger

est délicate la phrase sculptant la main

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Directeur de recherche au CNRS, Éric Chassefière est planétologue et historien des sciences. Il a été professeur chargé de cours en physique de la Terre à l’École Polytechnique, et a par ailleurs dirigé un laboratoire de géosciences à l’Université Paris-Saclay. Il est également poète. Ces deux poèmes sont extraits du recueil inédit « Penser l’infini »,

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sculpture Jean-Yves Gosti

Stéphanie Vermot-Petit-Outhenin

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Ton corps perdu

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À Ivan L

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Poète, a-t-on gravé sur la pierre virtuelle de ta fulgurance,

Trop tôt disparu, ton corps

Désormais enfoui dans son asile obscur

Parti de toi comme tu partais autrefois de lui

Pour t’inviter dans d’autres enveloppes

Epouser leurs soupirs, faire entendre

Leurs murmures, dessiner

Leurs infimités

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Toi si longtemps à corps perdu avant que

ton corps te perde se perde

Toi ami toi poète

Écrivant comme tu marchais dans les rues

Où aussi rieuse et primesautière que toi la mort

Grimaçait sans vergogne dans son costume burlesque

Mais où ton rire saisi au vif finirait bien croyait-on

Par empoigner l’intruse

À bras le corps

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Sous tes pieds des nécropoles oubliées

Au-dessus de toi des banderoles azzurre

Naples comme l’infatigable mêlée

Des joies et des larmes du ciel et des murailles

Ta ville ton poème cent fois arpentés

Leurs entrailles aujourd’hui c’est ta nuit

Leur bouillonnement tes vers sont plus sourds que le cri

D’un goéland déshabitué du ciel

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Chaque pierre chaque trouée

Chaque église chaque café

Chaque ruelle chaque avenue

Sur tes carnets leur pouls

N’a jamais cessé de battre et le tien avec lui

Au tour de tes mots de te redonner corps

Sans yeux sans chair mais parlant toujours

Avec ta voix, riant toujours

Avec ton rire

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Pour te revoir désormais

Ou pour t’entendre ce qui revient au même

Ce sont tes poèmes qu’on emprunte

Telle une città fantasma où des banderoles folâtrent au vent

Où un goéland se faufile entre des fenêtres radieuses

Et où l’encre a pris

Pour toujours

La place du sang

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Stéphanie Vermot-Petit-Outhenin : auteure d’un essai, Avoir Peur (éditions Rue de l’Echiquier, Paris, 2012), d’un roman (La Straniera, éditions de la Grande Ourse, Paris, 2016) ; de textes courts et poèmes parus en revue (Dissonances, Poésie Première, Pierres d’Encre…). Traductrice de textes littéraires et philosophiques, de l’italien au français (PUF, Brepols, Champion, Bibliothèque de la Pléiade). 

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6

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Cathy Garcia Canalès

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Poète pris

dans le corps

du poème

poème accouché

du corps poète

la poésie

désincarnée

n’existe pas

il y a toujours chair

à la plume

un peu de sang

dilué dans l’encre

des cellules pulmonaires

pour contenir le souffle

habea corpus de l’inspiration !

il y a des flux des sucs des poils

et des crocs pour mordre les mots

les mâcher pour les recracher

la poésie désincarnée

n’existe pas

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Cathy Garcia-Canalès, humaine poètartiste polymorphe, diariste, revuiste & jardinière herboriste marcheuse-cueilleuse et éventuellement le lien vers mon blog principal : http://cathygarcia.hautetfort.com/

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Sarah Lecina

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Hors d’oeuvre

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J’ai des mots pleins le bide

hors de grâce 

d’oeuvres, d’indigestions 

dans mes sous terrains 

de tubes et de moues 

ça macère ça tiraille ;

mélangé de sucs 

en pot pourri amer d’hydromel

de miel de framboise 

d’accents durs sur la langue.

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Je les entends

j’attends toute la journée

mes mots céramique noués dans la gorge

sans éclosion

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J’ai la main douce de la paume,

la ligne courbée sous mes ongles,

le coeur tacheté du crachat sombre ;

ce sont mes aortes d’encres et mes garnisons d’espoir 

les unes et les autres 

armées jusqu’aux dents

je les gardes sur le bout de ma langue

pas encore, 

j’aurais les doigts criblés de cibles 

de papier de verre 

et ton nom tout au bout 

j’attends les autres mots

j’attends encore 

..

Née en 2001 à Aix-en-Provence, Sarah Lecina est étudiante en master de lettres modernes. Elle écrit depuis toujours et pratique le collage et le dessin dans des carnets poétiques. Poèmes parus dans les soliflores de la revue Nouveaux délits ; dans les revues Comme en poésie, Lichen, Cabaret, Traction-Brabant.

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sculpture – Jean-Yves Gosti

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Pineau-Thierry Christophe

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un mot posé 

auprès d’un autre

inscrire pour graver

ce qui demeure

cet autre dissimulé

au creux du corps

écrire lettre par lettre

une étoile dans chaque main 

l’ombre qui émerge et brille

du fond de ses entrailles

poussière d’or semée

aux quatre vents de l’être 

sur les chemins de l’écart

où cela pique et mord

en lutte pour toutes les victoires

la main sur terre la tête au ciel

les mots prononcés à l’oreille

cette lumière au cœur

le corps traversé

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Pineau-Thierry Christophe : publication dans des revues (ARPA, Poésie/première, Recours au poème…), des recueils collectifs (Luna Rossa, Jacques Flament, PVST?…), et de trois recueils aux Editions du Cygne. Le dernier recueil Ces mots ajustés au cœur (2023) a été écrit avec Philippe Leuckx.

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Jean-Claude Bourdet

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Assis là, en écoute

l’oreille flottante, l’autre allongé en onde sonore,

improbable agitation de l’esprit, comme une construction à venir

ou une ancienne histoire, imprimée à la manière d’un ex-voto,

ou une prière oubliée, une douloureuse pensée, secrétée par ce corps alangui,

ou-bien un rêve inspiré, étrange, inquiétant, de brutes obsédées par l’emprise sexuelle.

Si destructeur Si créatif Si humain

Si destructeur Si créatif Si humain

L’être là de ce corps puissant, nécessairement limité, fini par essence,

dévoré cependant par une passion cannibale, sa propre existence,

héritier du meurtre du père par les fils de la horde.

Si destructeur Si créateur Si humain

Si destructeur Si créateur Si humain

Fondateur d’une société à venir, amour ultime incorporé par un sein.

Oh sein nourricier, combien de cellules éteintes, combien élevées ?

Constellations d’étoiles naines, vertige d’aimer.

Oh usure, oh usure, oh espoir d’un esprit fatigué, lutter, lutter.

Si destructeur Si créateur Si humain

Si destructeur Si créateur Si humain

Le vent, le froid, la pluie imprimés sur la peau de sensations éblouissantes,

véhicule de plaisir cabossé, affecté de souvenirs épars, pénétré de sentiments mêlés,

tendresse, laine de mohair, enveloppe de tes longs bras ma nuit étoilée.

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Jean-Claude Bourdet est psychiatre, psychanalyste. Il est l’auteur de poèmes publiés dans Les Plaquettes, la revue A L’INDEX ; les éditions Oxybia ; le blog Les Cosaques des Frontières et de récits publiés par les éditions Az’Art ateliers éditions.

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Jean-Charles Paillet

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Si j’écris

c’est pour mieux saisir

la vie en mouvement

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Mot à mot je lutte

les doigts crispés

sur le crayon

parfois prêt à casser

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Le front strié d’interrogations

appelle ardemment les mots justes

jusqu’à l’inclination de ma tête

devant une image nouvelle

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Et le regard souvent étonné

lis et relis le poème

avant qu’il ne s’échappe

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Jean-Charles Paillet est animé par l’instant présent et les belles valeurs qui élèvent le cœur et l’âme. Sa poésie se retrouve dans ses dessins, ses photographies, ses chansons, également dans de nombreuses revues et anthologies. Sa rencontre avec Yves Broussard est un tournant dans sa vie de poète… Publications : Ici et là farandole la vie Quelle heure est-on – La Petite ÉditionLe jour par la main – , Éditions Donner à Voir – 7 recueils chez Book Edition

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oeuvre de Jean-Yves Gosti

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Thierry Pérémarti

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Auteur de nombreux recueils de poésie entre 1976 et 1992, Thierry Pérémarti a publié en 2009 Visiting Jazz aux éditions Le mot et le reste. Il est revenu à la poésie en 2018 avec des ouvrages aux éditions Gros Textes, Abordo, La tête à l’envers, Phloème, Douro et Les carnets du dessert de lune.

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Charles Akopian

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C’est tant d’espace                             

Un regard qui se perd

Dans l’imaginaire

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De glissades en ricochets

S’accumulent des reliefs

Jongleurs d’histoires

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La ligne semble immobile

Sur laquelle se tiennent

Les conteurs acrobates

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C’est reposant pour les yeux

Mais dans la tête

Combien de collisions 

**

L’approche surprend

Rien ne bouge

Et pourtant

Entre les mots qui se bousculent

Une image emprunte

Les marches du désir

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Comment accorder

L’alphabet du corps

Et le paysage

Qui se dérobe

À l’orée d’une phrase

En gestation

**

Une pincée de noir

Assigne à résidence

Les mots à découvrir

Ou mettre sous les draps

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Nomade la lueur

Qui s’efface en puisant l’encre            

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Comme pour un voyage                   

Laissant à la marge               

Toute pincée de solitude

En mal de fécondation

(extraits d’un recueil à paraître)

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Après une vie consacrée à l’action humanitaire au sein d’une association de solidarité à Nîmes, Charles Akopian, né à Marseille de parents rescapés du génocide arménien de 1915, savoure aujourd’hui une retraite active à Brest où il a rejoint « son soleil » en 2013. Sa passion de la poésie trouve alors un espace apaisé et gourmand pour enfin laisser libre cours à l’écriture. Premières publications en revue en 2016. Sept recueils de poèmes ont suivi de 2017 à 2022. À paraître « L’intime au tamis » L’Harmattan.

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sculpture de Jean-Yves Gosti

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Flore Iborra

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Sa joue posée sur la nuit

elle rêve en fumant

la fenêtre n’est pas assez grande

pour le faible éclat des étoiles

la chaleur importe peu

au contraire

sa peau est nue

offerte à la caresse obscure

tendue vers l’ailleurs

déjà détachée du bruissement tenace

de ses pensées,

elle s’éloigne à pleins poumons

vers le refuge immense du ciel

quelque chose déjà fait route vers ses mains fraîches

le message d’un fin rouleau de pourpre

refermé comme une paupière

et ce grand morceau de noirceur

qu’elle attendait pour son repos.

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 Après avoir résidé à Paris et Toulouse, à présent dans les Corbières, Flore Iborra organise le festival de poésie Les Mots du Vent à Fontjoncouse (du 4 au 7 juillet 2024). Admission en cours à la société des poètes français. Lauréate de plusieurs prix de poésie en Occitanie. Son dernier recueil Lettres de Presque-rien à Je-ne-Sais-quoi sera édité en 2024.

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Muriel Verstichel

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Le Corps travaille

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On n’écrit pas sans la force du corps.

Marguerite Duras

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Quand tout n’était que caresse

le corps travaillait déjà

entre le plein fouet du crépuscule

et la camisole de l’aube

    à détisser les entraves d’ici

jusqu’à saisir couchant et levant

en une même soif

où la langue brode de fond en comble

le chariot des étoiles sur un ample vêtement

     à se séparer de la douleur

faiblesse de la plaie

morsure du rampant

brûlure du vent sur le vif de la peau

plus sombre que d’habitude

C’est dit : la nuit se rompt pour faire entrer la nuit

Ce corps-là est un poème

qui veille sous la cendre des conversations

s’éloigne peu à peu revient sur ses pas

cherche la bonne distance entre ennui et désir

un ciel un jardin une muse dénudée

un amour qui tente de deployer

sa colonne de rigueur

cette bosse à toucher qui porte bonheur

une écharde une épine

un clou de rouille vive

la main qui les supporte

pour que rien ne se perde en lui

pour que tout demeure au-delà de lui

Le poème est ce corps qui renverse la mort !

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Muriel Verstichel, poète-textilienne,  née à Lille, vit à Valenciennes où elle a son atelier. A ce jour, elle a publié une quarantaine de recueils.

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sculpture de Jean-Yves Gosti

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Eve de Laudec

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Enlacer l’arbre

d’un élan fusionnel

sous l’écorce

s’incrustent les paumes

empreintes dans la chair

ligneuse

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À la sève nourricière

pousse ma main

qui perce la  canopée

de mes cinq doigts maculés d’encre

j’écris les mots supplique

défiant l’hiver

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Eve de Laudec écrit dès l’enfance poésie, nouvelles, chansons. Parutions dans nombre revues et anthologies, quatre recueils, Crilence, Les petites pièces rapportées (éditions Chum), Ainsi font, L’ingratitude des oiseaux à bec (éditions Jacques Flament).

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