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Wang Ziliang, Louba Astoria, Marilyne Bertoncini, Patrick Williamson, Elizabeth Guyon-Spennato, Ghislaine Lejard, Jacqueline Fischer, Miguel-Angel Real, Jean-Michel Bollinger, Denis Heudré.

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Une nuit avec Pascal

Wang Ziliang

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« Que le cœur de l’homme est creux et plein d’ordure ! » nota-t-il,

mais il dit aussi que c’est un roseau, faible mais capable de penser.

J’étais avec Pascal hier soir. Non, en fait, il m’a trouvé avec quelqu’un d’autre.

Dans le feu de la passion : « entre dix heures trente et minuit »,

discutant du chaos de notre époque, des catastrophes imminentes, comme des foules

de fantômes flottant contre la magnificence de la nuit

et l’incompréhensible nature humaine.

La conversation, les regards et la consolation,

ne deviennent jamais intimes ou imprégnés dans la moelle;

ils deviennent tout simplement conviction, joie sincère et paix.

On entend quelqu’un chanter par la fenêtre : « Votre Dieu est mon Dieu ».

L’obéissance est conversion, l’abandon devient foi.

Le genyornis1 nocturne pourchasse la pauvreté, l’alcool et les ictères.

Et maintenant, une personne en possède une autre par-delà l’océan,

l’embrassant de son souffle, la caressant de sa voix.

Leurs sueurs se mêlent comme la mer d’Orient

se joint aux Caraïbes, leurs lèvres se touchent.

Un sentiment de perte prématuré arrive avant la fermeture de la station de métro.

Je crois que l’enquête de Pascal sur le vide, la machine à calculer et le coaching est

une tentative d’établir une déterminisme, un ordre nouveau et inconnu

entre l’infini, le néant et tout ce qui se trouve entre les deux.

En un clin d’oeil, je me souviens—

Qu’est-ce qui est accompli dans cette nuit enchantée ?

L’amour est-il une forme de vide ? Qu’est-ce

qui se cache derrière la forme noyée dans l’escalier de marbre ?

Cette nuit avec Pascal, j’ai touché

un orgue étrange et changeant, dressé entre silence et jeu2.

                     Hangzhou, le 10 août 2018

(traduction Marilyne Bertoncini – à partir de la traduction anglaise de Ajiu)


notes.

[1] Genyornis est un genre éteint d’oiseau inapte au vol don’t les fossiles ont été retrouvés en Australie

[2] – Voir les Pensées, II.111 : « Inconstance. Nous pensons jouer sur des orgues ordinaires en jouant sur l’homme. Les hommes sont des orgues, c’est vrai, mais bizarres, changeants, variables avec des tuyaux mal rangés. Ceux qui ne savent jouer que sur des orgues ordinaires ne produiront pas d’harmonies sur ceux-ci. Nous devons savoir où sont [les clés].


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WANG Ziliang : Né à Taizhou, Zhejiang, en 1958. Diplômé du Département de langue et de culture chinoises de l’Université du Zhejiang en 1982. Il a publié 6 anthologies de poésie. Ses œuvres ont été traduites en anglais, espagnol, italien, français, arabe, farsi et portugais.

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Louba Astoria

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Louba Astoria écrit, pas à pas, des textes qui puisent et se nourrissent de sa formation en histoire de l’art, de sa pratique de la musique et de son expérience des paysages traversés ».

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Spectres de nuit, et spectatrice

Marilyne Bertoncini

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Marilyne Bertoncini, poète et traductrice dirige le site jeudidesmots.com qu’elle a créé, codirige Recours au poème, et fait partie de plusieurs comités de rédaction – publications récentes : La Noyée d’Onagawa (202O), Aub’ombre/Alb’ombra (2022), La Plume d’ange (2022), et parmi les nombreuses traductions, Soleil hésitant de Gili Haimovich. Travaille avec des artistes et pratique la photo.

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Bucharest at night / Bucarest la nuit

Patrick Williamson

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Cobblestones glisten. Sidestepping black puddles &

tarmac lakes, we walk among desire’s ghosts,

in silence. We are this. Refracted light of a shroud,

sharpened by crisp air, by midnight’s shades

and portals. Solitary lamps, polished iron of dark

undulating curves. Watchful, the deserted street. Steps

climb beyond. What is. The tall iron-wrought gate to

our winged court clanks behind. Rain falling, lightly, across

this breach spread and opening. So this is what.  

We want to touch

Les pavés luisent. Évitant les flaques d’eau noires et

des lacs de bitume, nous marchons parmi les fantômes du désir,

en silence. Nous sommes ceci. La lumière réfractée d’un linceul,

afûtée par l’air vif, par les ombres de minuit

et les portails. Des lampes solitaires, en fer poli d’obscures

courbes ondulantes. Aux aguets, la rue déserte. Des marches

montent au-delà plus haut. Ce qui est. La grande grille en fer forgé de

notre cour latérale claque derrière. La pluie tombe, légère, à travers

cette brèche qui s’écarte. C’est donc cela.

                 que nous voulons toucher

trad Marilyne Bertoncini

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Patrick Williamson, poète et traducteur anglais. Recueils notables : Here and Now, et Take a Deep Look (Cyberwit.net) Traversi (italien-anglais, Samuele Editore, Italie). L’auteur de The Parley Tree, French-speaking poetry from Africa and the Arab World (Arc Publications).

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phoro Elizabeth Guyon Spennato

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〈在台北過年〉

Elizabeth Guyon-Spennato

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窗外風景很美

像陳進的畫  

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白天有象山

碧綠的森林

黑夜有101

頭頂上的燈光

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在朋友的磨坊

過年

很特別

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零點

大家吃蛋糕

喝香檳酒

碰杯互相祝福

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.倒數新年           

煙火在天空

綻放神秘

彩色圖案

偶爾在烏雲中

露出

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我們下樓

走進人群

開心地

迎接

兔年  

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在大安森林公園

找尋那群神奇

的香蕉樹

睡覺前吸收

樹發出的力量

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Le paysage à la fenêtre est magnifique

On dirait une peinture de Chen Chin

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Le jour il y a la forêt vert jade

Du Mont Eléphant

La nuit on voit les lumières

Au sommet de la Tour 101

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Réveillonner

Au moulin de notre ami

Est très particulier

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À minuit

On mange du gâteau

Et on boit du champagne

Les verres s’entrechoquent

Vœux de bonheur

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À l’heure du compte à rebours

Dans le ciel des feux d’artifice

Fleurissent mystérieusement

Parfois dans la brume

Apparaissent

Des motifs colorés

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Descendre

Nous joindre à la foule

Qui dans la joie

Accueille

L’année du Lapin

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Au parc forestier de Daan

Rechercher

Le bosquet de bananiers magiques

Et avant d’aller dormir

S’imprégner de l’énergie des arbres

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photo Elizabeth Guyon-Spennato

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D’origine italienne (île d’Ischia), Elizabeth Guyon Spennato compose ses poèmes en chinois traditionnel et en italien. Huit de ses livres ont été publiés. À Taïwan où elle a étudié, ses poèmes paraissent régulièrement sur le magazine historique de poésie « Li poetry ».

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Nocturnes

Ghislaine Lejard

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Ghislaine Lejard est une poète, collagiste et critique littéraire Elle publie de la poésie depuis 1983 et rédige des notes de lecture, anime des ateliers et collabore avec poètes et artistes. Parmi les dernières publications, Son Corps d’ombre, collages, texte de Marilyne Bertoncini, ed. Zinzoline.

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Vol de nuit

Jacqueline Fischer

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« Vol de nuit » art textile, Jacqueline Fischer

La nuit parfois quand quelque chose vient d’on on ne sait où qui mord le coeur avec une tendresse presque offensante,

 La nuit alors se lèvent d’immobiles tempêtes derrière des yeux scellés, ciellés de mauve et de griserie.

La nuit se diluent des secrets inavoués tellement évidents qu’ils creusent et croisent au large de pays rayés de la carte de Tendre avant même qu’une main hésitante les y ait inscrits.

La nuit se gravent des heures légères et pourtant sombres, d’un tombé de chevelure molle qui se détend en cherchant une vaine échappatoire.

La nuit quand les pleins osent se délier, je pense à vous.

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Jacqueline  Fischer professeur de Lettres Classiques, poète, textilienne et artiste en art  numérique. Auteur de la Demeure Mentale , récit, LGR 2005, et de quelques autres recueils inédits ou auto-édités.Publications dans diverses revues.  Pour plus d’information voir le site Du textile au texte

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Miguel-Angel Real

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On finit par attendre l’insomnie, pas comme un préambule mais comme une saison à vivre. Cela correspond peut-être à notre vieux désir de maîtriser les heures et démontre à la fois notre incapacité à nous adapter à ce qui est censé être raisonnable. Combattre ou admettre, formes imposées ou graphies nouvelles: c’est dans cette attente souhaitée ou crainte que la nuit vient se dresser comme un espoir.

photo Miguel-Angel Real

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Miguel Angel Real, Valladolid (Espagne), 1965. Agrégé d’espagnol, poète et traducteur de poésie contemporaine. Ses travaux sont parus en France, Espagne et Amérique Latine. A publié Zoologías (Ed. En Huida), Como dados redondos (Ed. Cisnegro, Mexique, et sélection bilingue, Comme un dé rond, Ed. Sémaphore), Les rébellions inutiles (Ed.Douro), Virtudes de la inercia (Ed. Lastura), Le givre promis ( Tarmac, juin 2023), et 7 livres de traduction .

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Les voyageurs de nuit

Jean-Michel Bollinger

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Dans le flou d’une brumeuse paresse

des destinations inassouvies

étoffent les canevas 

de chambres autrefois enfantines

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Des livres

le dos tourné

s’offrent aux songes de glorieux ivrognes

qui de leurs nuits ont blanchi des bouteilles

 .

Ils ont révélé

dans des hoquets d’alcool

des aventures inouïes

puisées aux quatre éléments

Entre le noir couleur lampadaire

et la frêle aurore de cinq heures trente

ils ont plus de vingt fois

parcouru les montagnes du monde

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Les éditions du Passavant ont publié en 2022 le premier recueil de poésies de Jean-Michel Bollinger intitulé « Pénombres, lampes & lumières ». Quelques textes de ce recueil avaient été publiés dans le n°65 de la revue Voix d’encre en septembre  2021.

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2 Nuits

Denis Heudré

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avec la nuit

à serrer contre soi

pour s’endormir

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rassuré de ce noir

infranchissable

qui attrape le corps

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dans sa protection

demain se rouvrira

l’atelier du bleu


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C’est de la lumière et nous la fêtons avec nos visages, parce que seuls nos visages répondent à la lumière, parce que nos mains n’ont pas appris, parce que nos corps sont occupés à d’autres épanchements.


C’est un cri et il nous fait peur parce que nous sommes vivants, parce que personne n’a pu interrompre son élan, parce qu’on manque de courage pour aller tordre le cou à ce cri, l’extirper de nos tympans,


C’est la nuit et la lumière est un cri.

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Denis Heudré, né à Rennes en 1963, vit en Ille-et-Vilaine. il est auteur, critique, photographe et graphiste dessinateur et  en 2015-2016 le premier lauréat du prix Paul-Quéré,

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