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textes et oeuvres de : Mokhtar El Amraoui, Sandrine Davin, Pierre Rosin, Re Chab, Marilyse Leroux & Isabelle Baudelet, Anne Soy, Suzanne Derève, Suzy Desrosiers, Fanie Vincent.

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dessin de Mokhtar El Amraoui

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Bleus d’insomnies

Mokhtar El Amraoui

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Nuit d’ombres comme volutes de chimères 

Accrochées aux yeux des réverbères 

Les tapis des souvenirs se déroulent las 

En pétales fanés loin de leurs jardins éteints 

Les visages oubliés remontent 

De leurs dansantes fumées 

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Nocturnes se refont alors les musiques 

Que redessinent les scintillantes vagues 

Des mouchoirs en départs précipités

Pour recoudre les lambeaux tus des rêves 

Qui se réveillent de l’antre des séparations 

Ouvrant un abri doux d’ailes aux baisers 

Et arbres des fusions renouvelées en riants brasiers

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Se recomposent alors en leurs corps d’émergence 

Les fibres des lunes longtemps tailladées 

En lamelles brisées sur les claviers 

Des fébriles pas fuyant la question 

Et les épais brouillards des barbelés 

Pour retrouver un refuge de caresses

Dans les recoins que sculptent d’amour 

Les étoiles des retrouvailles 

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Elles laissent rejaillir en clapotis de flottants pavés 

Les sonates des pétales longtemps ensevelis 

Dans les amères larmes des insomnies

Et les profonds bleus de leurs silences

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Mokhtar El Amraoui  est poète tunisien   d’expression française né  le 19 mai 1955 à Mateur,
en Tunisie. Ses recueils: « Arpèges sur les ailes de mes ans », « Le souffle des ressacs », « Chante,
aube, que dansent tes plumes ! » « Dans le tumulte du labyrinthe ».

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Sandrine Davin

Sandrine DAVIN est née le 15/12/1975 à Grenoble (France) où elle réside toujours. Elle est auteure de poésie contemporaine inspirée des haïkus et tankas, elle a publié 16 recueils de poésie dont le dernier s’intitule Terre – guerre chez LiberEdition.

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Pierre Rosin

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Pierre Rosin écrit et peint. Il expose ses images et ses poèmes ensemble ou séparément. Cinq de ses recueils de poésie ont été édités et il a illustré plusieurs recueils d’autres poètes. Il vit près de Poitiers.
site : http://pierrerosin.fr/

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Re Chab

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Il faut se nourrir  de toutes  choses,

quand  elles passent  à notre portée .

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J’imagine  une comète,

dont je  saisis  la  chevelure,

une  tangente  tracée,

en additionnant des pierres,

( une  technique  rudimentaire ,

mais qui me permet d’adoucir les ombres . )

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On ne peut  griffer l’épaisseur  de la nuit .

Celle-ci est indifférente, et je taille des flèches,

qui n’ont pas la prétention d’atteindre de planètes.

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Cependant je recueille quelques  signaux,

avec le sourire des signes du zodiaque,

et cela nourrit mes segments

pour me renvoyer en moi-même,

à la façon d’une  force centripète :

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il suffit  que je les interprète ,

que je taille d’une main encore hésitante

le monolithe d’où va peut-être se dessiner

les contours d’une pierre .

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Des atomes se rassemblent

en un corps cristallin ,

qui amplifient ces lumières incidentes

des détours de l’être ,

permettant de se transporter

instantanément dans  d’autres mondes .

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Marilyse Leroux & Isabelle Baudelet

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photo d’Isabelle Baudelet, La Fabrique poétique

Elle ne dit pas que ses nuits sont blanches mais bleues.

Une rivière feuillette ses pages et les pages, ses estuaires. Les portes n’ont plus de serrure à grignoter les doigts.

Tout se fait eau, et les moulins tournent comme autrefois. On se lave à grands songes dans leurs roues. Les horloges ont des yeux de chat nourris par la lune.

Les nuits acceptent ses voyages au long cours, l’horizon dans ses filins. Sans qu’elle le veuille, le ciel, la rivière et la mer se rejoindront sur un quai, au pays du bleu sans nom.

Marilyse Leroux sur la photo d’Isabelle Baudelet

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Marilyse Leroux écrit des poèmes et aime en faire écrire. Elle a publié une vingtaine d’ouvrages (prose et poésie). Prix des Écrivains bretons pour Le temps d’ici  et Prix Maram Al-Masri pour  Le sein de la terre. Son dernier recueil , Les mains bleues, est paru aux éditions Rhubarbe.

Isabelle Baudelet est historienne, photographe, graphiste-conceptrice, éditrice, initiatrice de La Fabrique poétique qui allie différentes formes d’art et de projets collaboratifs.

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Anne Soy

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La nuit serait enfin bleue mais ce serait lui crever les yeux.

Des yeux éteints, engloutis de ténèbres.

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Je cherchais mon reflet dans ses yeux. Je devais y trouver un chemin, y accrocher une lumière, y réveiller un éclat. Je soufflais sur les cendres, mais elles ont envahi ma bouche, mes bronches et je n’ai rien trouvé. Je n’ai fait que tomber dans son regard mort, croisant des cadavres sans noms, des histoires sans mots, des cris retournés.

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Je ne détenais que ces eaux  troubles où me nourrir de chagrins.

Ce regard était ma cour à récurer, mon lot de linge sale.

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J’ai ouvert les yeux dans l’opaque. À  genoux il fallait frotter, gratter les taches avec les ongles qui s’incrustaient et rien ne brillait. Le monde rétrécissait.

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J’étais là autour des tombes sans savoir. J’errais sans oser imaginer qui était mort ou qui devait mourir et sans parvenir à détourner son regard. Les bras au ciel, implorant les absents, les yeux happés par cette béance où je ne me décidais pas à sombrer, elle grimaçait du bout des lèvres laissant entre les soupirs s’échapper des mots comme des toiles d’araignée.

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Anne Soy, née à Lyon. Poèmes parus régulièrement dans la Revue Verso. Participe à l’Espace Pandora, au Jeudi des Mots. A publié son premier recueil de poésie « Dans le fracas du monde » aux Éditions Polyptyque en septembre 2020.

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La Buée qui fait la pluie

Suzanne Derève

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Dériver ce soir

à la remorque lente des nuages,

suivre leur course grise,

ponctuée d’un vol d’oiseaux,

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aile ivre qui s’élance

sur l’horizon des champs pâlis

au-delà des coteaux,

s’éparpille et s’enfuit.

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Attendre qu’il fasse tout à fait noir,

poser les lèvres sur la vitre

pour y goûter la buée que fait

la nuit,

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y écouter le bruit qu’elle fait

en s’engouffrant par la fenêtre,

avec ses échasses de vent

et ses éclats de mandoline,

ses bras qui se referment

sur un air d’accordeone.

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Peut-être te rejoindrai-je alors, qui sait,

ce n’est que la musique

d’une nuit rompue à l’absence

où les mots ne disent plus rien de nous

que cet éveil où ils nous tiennent,

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à la remorque de l’aile immense

de l’oiseau,

un chant qui tait son nom,

se nourrit de silence

et brûle ses vaisseaux.

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Susanne Derève, originaire de Brest, partage avec René Chabrière le blog de poésie Art et tique et pique – Mots et gammes. Publications revues : Tarmac, Cabaret, Lichen, Poéthisme (n°13 d’Avril 2023). susannederev@gmail.com

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Suzy Desrosiers

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Susy Desrosiers, Auteure de théâtre et de poésie habitant dans la région du Centre-du-Québec, au Canada. Elle a fait paraître trois recueils de poésie et quelques-uns de ses textes sont publiés dans des revues et des collectifs québécois et internationaux. Elle est lauréate de quelques prix littéraires.

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ACCORD D’HEURES

A corps d’heures
le rêve veille
sonne l’heur
quand je suis ta demie
tu émis nuit
et la minute rit
l’or loge en nous
quand tu avances
en pendule
ô tant en emporte l’amant
que c’est
les vingt-quatre heures
de la vie d’une flamme
le temps danse
en ciel
en NUIT que tu m’aJOURres

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Tête dans les nuages, pieds sur terre, la poésie d’abord Rimbaud et Prévert Fanie Vincent en écrit depuis l’enfance. Elle figure aux Editions Domec dans «Infinis paysages» parutions en (Poésie Première) sur des blogs (Capital des mots, Anthologie subjective de Guy Allix, Beauty will save the world…)

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