.

Mon Corps
Ericiel

C’est dans un corps à corps

Que tu as été conçu.

Mon corps.

Il en faut des corps pour faire un corps.

Les corps de mes parents, ceux de leurs parents et de leurs grands-parents

Et encore et encore.

Il a fallu du temps pour que tu te formes

Il a fallu du temps pour que tu viennes au monde,

Mon corps.

Expulsé du corps de ma mère

Comme un boulet de canon, disait-elle.

Mon corps.

Tu as poussé lentement

Et de plus en plus vite

Mon corps.

Tu es devenu grand,

tu es devenu fort,

mon corps.

Puis, tu as mûri,

Peu à peu tu as flétri,

Mon corps

Tu fonctionnes déjà moins bien,

Tu te rouilles,

Mon corps.

Un jour viendra,

Où tu ne bougeras plus

Mon corps.

Entre quatre planches

On te placera

Mon corps.

Et mon âme s’envolera

Ici-bas, tu ne seras plus

Mon corps.

Vivrai-je encore ?

(14 octobre 2021)

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A l’entrée de la chambre
& Juste le néant
Brigitte Broc

A L’ENTREE DE LA CHAMBRE

A l’entrée de la chambre,

ne pas plier le ciel,

simplement cueillir quelques oiseaux

pour en faire une phrase.

Il y a de la salive

dans cette phrase d’air,

de la salive et des orchidées

rouges

dans le geste d’amour.

La main se souvient

d’avoir été foudre

dans les reins de la femme.

La main marche à reculons

dans le dédale des spasmes

et s’accroupit,

comblée,

au plus chaud du silence.

Passent des voilures,

un peu de rosée,

ta bouche

qui ouvre et ferme

la vague.

Les mots changent de couleur,

les regards changent de douleur.

S’exilent les murs,

et le mufle mouillé

de la terre

gagne lentement nos sexes

et la haute mer.

Laisse la nuit

se cacher dans les

herbes folles,

laisse la nuit

déferler dans la maison,

Et n’oublie pas

de convier à la table de fête

son parfum charnu,

l’arrogance de ses grands gestes clairs

*

JUSTE LE NEANT

Alors elle tasse son dedans,

plus rien ne s’échappe,

plus rien ne peut rentrer non plus.

Puis elle élague son dehors,

ponce l’épaule,

martèle la hanche,

gomme un sein,

efface le ventre.

Barricadée dans ses os,

elle trie ses peurs,

fait l’inventaire des gestes avariés

et des soleils défunts.

Son sang de femme, inutile,

coule sous les portes.

L’absence est séminale.

Ce vide qu’elle gratte,

ce silence qu’elle creuse,

ne les entends-tu pas

battre comme volets sans gonds ?

Oh, c’est pas grand-chose.

C’est presque rien.

Juste le néant au bout des doigts.

.

.

Il y a cette patience
Carole Mesrobian

.

Il y a cette patience

dans le corps

longue traîne de nuits

infatigables

presque rien

où devient la respiration

étroite

comme un refuge sûr

à retenir la peau dedans

c’est long le temps

comme un cocon d’entrailles

où devenir enfin le temps

.

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photo Marilyne Bertoncini

.

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Una mattina di nebbia
Luca Ariano

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photo Marco Baschieri

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Una mattina di nebbie,

di quelle che celano tegole,

luoghi di battaglie,

fughe di briganti tra paludi e colline;

vanto di atavici riti della terra,

norcini e tradizioni tramandate

dai tempi di popoli preromani

– ne scrissero Annali –

Ancora scorsero lacrime

sulla pelle di cicatrici,

in fondo le stesse fughe in treno

prima di un decollo.

Si gonfia il respiro nel tuo petto,

come notti di attesa di un voto,

un viaggio agognato

o un regalo da scartare in fretta.

Tra vicoli medioevali attendi

i suoi passi… sorrisi,

una mano da stringere:

un caffè da consumare

prima che chiudano e gli stessi occhi

avidi di quel padre davanti a tele

da rivendere in fretta,

forse pegni di debiti… «Luca fa presto!»

Une matinée de brumes,

de celles qui occultent les tuiles,

champs de bataille,

fuites de brigands entre marais et collines ;

fierté d’antiques rites de la terre,

charcutiers et traditions transmises

depuis les peuples pré-romains

– Les annales en parlèrent-

Alors coulèrent des larmes

sur la peau des cicatrices,

au fond, les mêmes fuites en train

avant un décollage.

Le souffle se gonfle dans ta poitrine,

comme en des nuits d’attente pour un vote,

un voyage tellement désiré

ou un cadeau à déballer très vite.

Dans les ruelles médiévales, tu guettes

ses pas… ses sourires,

une main à serrer :

un café à consommer

avant la fermeture et les mêmes yeux

avides de ce père devant des télés

qu’il faut revendre tout de suite,

peut-être mises en gage.. « Luca fais vite ! »

.

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collage de Ghislaine Lejard, in Son Corps d’ombre

.

en ricochet à un vers de Son Corps d’Ombre
Marilyse Leroux

« On ne guérit jamais »

de l‘éclair au corps

on court on s’essouffle

pour quelques mots

dans le cou

un reflet de flaque

sous les pieds

le vert continue de chanter

pour le jaune

et le jaune pour le bleu

comme si nous n’étions plus là.

Marilyse Leroux

11/09/2021, en ricochet à un vers de Marilyne Bertoncini,, in Son corps d’ombre, avec les collages de Ghislaine Lejard, page 39, éditions Zinzoline.

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Amica mia / Mon amie
Elizabeth Guyon-Spennato

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Amica mia 

Sei venuta da un paese
di danza e di lacrime 

Il tuo amore isolano
Ti aveva portata con sé 

Nonostante la lingua 
Ci siamo capite bene 

Quante chiacchierate in cucina
con Donna Giusi 

Quante giornate in spiaggia 
con gli amici 
Meravigliati
Tutti
Dal bikini
Che svelava il tuo bel corpo
Color cioccolato 

Dopo anni ci siamo ritrovate 
Quel giorno al Porto 
Ci siamo abbracciate
E dopo qualche lacrima
Ha ripreso l’amicizia 
Come una volta

Mon amie

Tu es venue d’un pays
De danse et de larmes
Ton amour, enfant de l’île
T’avait amenée avec lui

Malgré la langue
Nous nous sommes bien comprises

Combien de discussions dans la cuisine
avec Dame Giusi

Combien de journées à la plage
avec les amis
Tous
Emerveillés
Par le bikini
Qui révélait ton joli corps
Couleur chocolat

Des années plus tard nous nous sommes retrouvées
Ce jour-là au Port
Nous nous sommes serrées fort
Et après quelques larmes
A repris l’amitié
Comme avant

.

.

.

Je fus une autre
Claire Krähenbühl

.


Je
 fus une autre
fragile étoffe tissée de nos désirs
oripeaux et haillons    défroque
délavée par les larme


Pourtant lamée d’or si rare
corps précieux veiné de vrai
Passé simple qui fut


Dès lors
On ne me donne à filer que l’ivraie
à tisser que l’ortie du silence
Où sont la chair le sang la peau ?
le corps vivant ?

.

.

Elle avale les levers du soleil
Christine Durif-Bruckert

.

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photo : Giancarlo Baroni

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Extraits d’un monologue, Elle avale les levers du soleil, en cours d’édition (PhB Editions)

.

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Lithopédion (extraits)
Paul Saada

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illustrations de Jacques Cauda

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Jacques Cauda

.

Jacques Cauda

.

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Aqua profonda
Dominique Hecq

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Son Corps
Erika Byrne

.

Son corps est une dentelle, un rêve, un pétale – un fragment pastel, léger, délicat. Les doigts qui passent frôlent ce corps flottant, veulent le lisser, le serrer, respirer son parfum, s’y perdre… Mais elle ne s’arrête pas ; elle craint les doigts qui déchirent les dentelles. Et vite elle s’envole, comme un rêve, comme un message, comme une mésange.

.

aquarelle – Bérénice Mollet

.

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SIN COMPARACION
Miguel Ángel Real

.

No hay mano que trace el mapa de mi espalda a ciegas como la tuya.

No hay boca como la tuya para saber encontrar el quicio de mi boca.

No hay en todo el despertar de los campos

un verde tan lleno de alarmas como el de tus ojos.

No hay partes de tu cuerpo que no quiera nombrar

sino ganas de alfilerearme el paladar cuando no las alcanzo.

No puedo compararte con nadie porque no hay medida

acorde a tus ganas de pasar por el mundo

sin dejar de medir tu acero con desdenes ajenos:

los demás ven en tus gestos sólo un gesto

pero tus poros forman una firma indeleble

que le exige al mundo vasallaje

.

SANS COMPARAISON

Il n’y a pas de main qui trace à l’aveugle la carte de mon dos comme la tienne.

Il n’y a pas de bouche comme la tienne pour savoir retrouver le coin de ma bouche.

Il n’y a pas dans tout l’éveil des champs

un vert aussi rempli d’alarmes que celui de tes yeux.

Il n’y a aucune partie de ton corps que je ne veuille pas nommer

mais le désir d’épingler mon palais quand je ne peux pas les atteindre.

Je ne peux te comparer à personne car il n’y a pas de mesure

à la hauteur de ton envie de parcourir le monde

en croisant sans cesse ton fer avec le dédain d’autrui :

les autres ne voient qu’un geste dans tes gestes

mais tes pores forment une signature indélébile

qui exige la soumission du monde.

.

.

Anatomie du mouvement (extraits)
Huguette Bertrand
*

Sculptures/dessin : Jean-Yves Gosti

.

ESQUISSE

Les muscles se profilent au tangage des mots

que la main refuse

Ces moments de flottement entre les paumes

soulèvent des enjeux

que les lèvres ne savent pas dissimuler

.

la journée en toute maladresse brûle

d’une stimulation affectueuse de l’oeil

dessine des zones de haute précision

.

à l’heure dite

on éteignit les lumières de la rue

jonchée de foules

sous le manteau d’un ange gris

radoteux

.

et vous êtes parti

sans un mot dans les poches

un vieux bout de papier

dans vos souliers

en cas d’urgence

.

après avoir grugé les villes

à petits pas fauves

vous êtes rentré

par la porte arrière

l’âme chiffonnée

.

.

CYCLES AMOUREUX

Sous les crocs du soir

les ventres amoureux

profanent

le corps dépecé du silence

ils palpent l’attente

jusqu’aux heures affolantes

du respir

.

assises sur le monde

les amours lentes

greffées à nos tempes

s’éloignent comme des vierges ensemencées

entre l’extase

et son reflet

.

condamnées

elles s’offrent jusqu’aux larmes

des cinémas

mais au pied du lit

il y a des novembres

abandonnés à la pluie

l’alchimie d’une chanson bleu-or

et la porte de la mémoire

toujours fermée

quand c’est nécessaire

.

il ne reste plus qu’à disparaître

dans les noirceurs

et les idées

puis à éteindre ce poème

dans le cendrier

.

.

INCIDENCES

Couchée dans le duvet de l’automne

je crie en silence

sous la pluie verte et sourde

mon corps détrempé ramollit

et que viennent les mouches

braconner sur les restes

de ma folie

.

entourez-moi de vos bruits d’ailes

enterrez-moi comme un hasard

jusqu’à la prochaine repousse

.

dans ce « nowhere » solitaire

des séances imaginaires

sous les caresses géniales

déclenchent

l’ondulation sauvage électrique

.

pour l’amour de l’amour

cette vague s’abandonne

aux gémissements des sources

mystère de la pluie

et des vents millénaires

.

saisir l’idole au bout de l’onde

en faire jaillir l’écume

de mes promenades solitaires

suppliant la rigidité des rocs

jusqu’au calme définitiF

8 septembre 2021, pour Jeudi des Mots

.

dessin – Jean-Yves Gosti

.

.

Corps dans la ville
(carnet de Bucarest)

.

.

.

SDF
Yannick Resch

.

SDF

Il est là

accroupi

à l’angle de la rue

imperméable

à l’espace

qui l’entoure

le corps tassé

recroquevillé

dans sa maigreur

extrême

comme une

défroque

de chair

et d’os

échoué là

pour rien

pour personne

il ne tend pas

la main

il ne quémande

rien

il n’a pas

de sébile

il a pour

rester visible

et paraître

vivant

un regard

fiévreux

de révolte

retenue

un regard

de braise bleue

qui n’en finit pas

de se consumer.

.

.

Mains détachées
Marilyne Bertoncini

.

photo Marilyne Bertoncini

4

Nue sur le drap d’hôpital

parcheminée comme

la fleur fanée du magnolia

elle renferme repliée

quel souvenir emporté

dans l’au-delà de la pensée ?

(extrait de « Mains détachées », in Mains, éd. du Petit Véhicule)

.

.


La Main
Alma Saporito

.

la mano

che porge un umano

da terra

la afferra

chi ancora

è cullato

dal mare solcato

sete

lacrime

sale

fame

corpi violati

corpi venduti

hanno pagato

non saranno pagati

corpi picchiati

corpi dimenticati

corpi sfruttati

e il vecchio continente

resta silente

la main

que tend un humain

à terre

la saisit

celui qui encore

est bercé

par la mer labourée

de soif

de larmes

de sel

de faim

corps violés

corps vendus

ils ont payé

ne seront pas payés

corps battus

corps oubliés

corps exploités

et le vieux continent

se taît

(traduction Marilyne Bertoncini)

.

.

Hiromi & Via Poematis

Florence Dreux

.

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photo : Marilyne Bertoncini

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sans titre

Lambert Savigneux

.

S’informent doucement les eaux du corps
le mouvement d’un seul retrait
les milliers de ponts les particules et le pouls

L’éclat limpide de l’œil l’élancement du bras
dans les angles des chairs à l’ombre des synapses
là où les chemins se perdent
une peau recouvre l’os d’une épaisseur
d’eau gonflée de muscles de tendons et cartilages
procure le poids la marche et l’abandon

Au seuil des nerfs se hérisse des lueurs
de poils de cratères d’élancées vives
au rythme dans le ventre une trainée
imprime pour avancer
infuse
incarne
conduit
comprime
libère
il n’y a pas de couleur
de teneur des comètes
de nuée de virgule
l’attraction est électrique

Septembre 2021

.

peinture Lambert Savigneux

.

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Extraits de Carcasse
(travail en cours)

Perle Vallens

.

Le corps s’impose
Il pèse, il précise ses contours
Le corps déjoue les illusions
Il se désigne, il se dessine de mémoire
Le corps devise souvent avec lui-même
Il cause coeur et âme, veines et os, pieds et poings
lié de l’intérieur, acteur de son propre jeu, ouvrier de sa propre chute

Il s’efforce de retrouver la léthargie de l’ombre
Il se frôle dans le noir
Il devient frileux, furtif, fastidieux
Le corps devient un endroit qu’on habite par défaut
Il devient usuel

***

Le corps se digère mal, il ne passe pas
Il persiste dans son inconduite, il persiste dans ses erreurs
Au jugé, le corps est coupable
Il a tous les signes du coupable
Il garde ses distances
Il est bien trop immobile pour être vrai
Le corps se trahit tout seul
Il parle pour ne rien dire
Il parle dans le vide
L’audience a quitté la salle
Il faut suivre les signes

A l’évidence, le corps semble insensible
Il semble passif sous les apparences trompeuses d’une fébrilité mal jaugée
Il fausse compagnie
Il fait semblant
Il truque les cartes
Il terrasse le souffle suspendu à la peau
D’un geste il se condamne

.

.

.

Une Vieille femme au dos nu

.

Hoda Hili

.

ut pictura poesis

un matin d’été, très tôt, un dos hâlé se détachait

.

du fond bleu de la mer

celui d’une vieille femme, âge inconnu

fouta mauve, maillot de bain jaune échancré au dos

les vertèbres saillantes, spectaculaires

.

son exubérance sélacienne rompait

les courbes des regards apprivoisés

j’imaginais qu’elle avait été

un fauve dans une autre vie, un lynx peut-être

.

là, sur les galets, je la peignais intérieurement

Aicha Chibane1 en aurait fait une baigneuse splendide

je scrutais les moindres détails de sa pose, ses mains

sur ses genoux pliés, son profil incliné, félin

;

cela me procurait l’effet d’une grâce

brutale, brute, brumeuse

en éclosion sous le soleil levant

.

je me demandais comment

plus jeune, elle avait été belle

et à quelle beauté maintenant elle participait

.

la beauté que le temps malmène

opacifie, de l’à part être, ou bien celle singulière

de l’être à part, aube accomplie 

.

1 Poétesse et peintre niçoise (1962-2019).

.

.

L’Exemplaire de têtes (extrait)

Alain Hélissen

.

 extrait d’un carnet d’artiste (livre unique) intitulé
« L’exemplaire de têtes ». Ce carnet traite exclusivement
de « têtes ».Il est encore disponible.

.

.

A Bras le corps

Dominique Ottavi

.

.

À bras le corps

La main à plume

À tout corps

Appel au corps

À corps perdu

Bouche que veux-tu

Corps corseté

Tel le corps

D’un uhlan

Corps retrouvé

À rêve que veux-tu

Considérable corps

Du véritable amour

Fait pleurer les vieilles

A la veillée

Véritable amour

Qui veut aimer

Avant de l’être

Korrigans

À Corti dans l’aube

Corridors sans issue

Comme ces corps

Floués

Magnifiés

Semblables

Au tien

Égaré dans un autre

Corps

De l’espace-temps

Corps qui cesse

De pleurer

De gémir

De geindre

Corps bafoués

Abandonnés

Dans la sombre lumière

D’une aube flétrie

À coups de renoncements

De correspondances

Douteuses

Corps en lambeaux

Corps plumeaux

Massacrés

Sacrifiés

A toutes ces imbéciles

Causes

Qui n’en sont pas

N’en seront jamais

Corps de la Loi

Du rêve charnel

Convoqué

Après vêpres

Jamais arrivé

À bon port

À bon corps

Corps perdu

Dans l’île

Corfou

Kerkyra

Dans l’aube

Frissonnante

Entre les flaques

De gas-oil

Les épluchures

Les sachets plastique

Où l’on transporte

Le nécessaire

Pour nourrir

Les corps

Toujours plus

Flasques

Défigurés

Certainement.

Ton corps

Grand oiseau blanc

Englouti

Par la vague d’écume

D’un équinoxe illusoire

Corpuscules corporatifs

Dans le crépuscule

Seulement lestés

De vos justaucorps

Réglementaires

Corps-morts

A la dérive

(ce qui ne saurait se produire)

Dérive

Corrigée par la houle

Corrosive

Corentin fut ce héros malin

Corrigeant un à un

Les faiseurs

De correspondances

Établies injustement

Entre le rien

Et le tout

Correspondances bonnes

Tout au plus

Aux corrigés

Trimestriels.

Le corps d’élite

N’est pas toujours

Celui qu’on courtise

Le corps à corps

Non plus

Le corps éthéré

On le connaît

De tout éternité

Raboter donc

Les corps intérimaires

Intermédiaires

Coryphée

Corpuscules

Corps contraint

Contrainte par corps

Seul le corps sait

La beauté du corset

Anticorps

Corpus Christi

Que de crime hideux commis

Au nom d’un Corps

Que de corps déchiquetés

Démembrés

Désossés !

Corps chétifs

Corps adorés

Corps gonflés

Enflés

Dégonflés

Mangés de fièvre

Corps qu’on sculpte

Qu’on désavoue

Corps cairn

Corps frontière

Qu’on astique

Jusqu’à le perdre

Corps gamelle

Corps ficelle

Corps plaisir

Corps désir

Corps souffrir

Cors au pied

Gauche

Corps qui saigne

 Corps qui pleure

Qui jouit de tout son corps

Corps crampe

Corps détendu

Corps détente

Corps si… Corsica !

Corps fiévreux

Corps en armes

Corps qui roule s’enroule

N’amasse pas mousse

Amour-mousse

Talisman

Corsica

Corps calembredaine

Bréhaigne

Corps calmé

Rapatrié

Corsica

Corps QRcodé

Contagieux

Congédié

Corps cicatrice

Corps en sang

Corps bavard

Qui en dit long

Sur toi-même

Corps silence

Corps mutique

Corps tel qu’en lui-même

La douleur

Le plaisir

Le changent

Corps fourchu

Corps bien pendu

Telle la langue perdue

Corps brûlé

Décharné

Gazé

Exécuté

Aimé

Désiré

Corps tel qu’en lui-même,

À corps perdu

L’éternité de mon désir

Le change

Corps Ce Corps

Qui se retrouve

Corsica

Corps rentré

Corps revenu

Retrouvant son cœur

Cœur de corps

Systole

Cœur qui lui confère

Son sang

Son sens

À ce corps

Corsica

Cœur à corps

Corps à cœur

Corps pourrissant

Que le feu purifie

Paraît-il

En le faisant disparaître

Cor le Ce, le Si, le Ça, le Ga

.

Ça ne marche pas

Qui te fait toi

Corsu

Catapulte ton âme

Ton rêve

Vers la pure

Réalité

De ton corps

Corps sattvique

Cor ce corps là, ce Ça

Pas un autre

Corsicatalepsié

Le Ça qu’il faut

Qu’on prononce Ka

Ou Ga

In Corsica

Ma joie

Mon humour

Mon amour

Ce corps qu’on brûle donc

Ce corps qu’on pend

Qu’on noie

Éventuellement.

À corps perdu

Je me choisis un corps :

Corps 12 Garamond

T’en suggère un autre :

Que dis-tu du corps 14 Baskerville ?

À corps perdu donc

Je m’effiloche

Te détricotant calmement

La nuit n’est pas encore tombée

Sur nos corps anémiés

Pas encore perdus

C’est la loi du grand nombre

Les plénipotentiaires

Sont regroupés

En un corps d’élite

Avec quoi il faudra

Désormais

Compter.

Je t’aime

À bouche que veux-tu

À corps que veux-tu

C’est la loi du corps

Les anticorps

Dans mon plumier

Dansent la sarabande

Te signifiant

Que ton corps

On ne le laissera pas passer

Le Corps du Salut

N’est qu’un corps

Parmi d’autres

Faisant corps avec la terre

Qui l’a produit

Sans pour autant négliger

La Mer

Qu’il a décidé d’amener

A Bon Port

À Bon Corps

De toutes ses forces

Nous avons de longtemps

Fait le tour

De nos sinécures

Nos ciné-corps

Plaire à mon corps

Plaire à ton corps

M’y complaire

À la surface du lac gelé

Corps y dort

Accords perdus

Corde cassée

Et encore !

Avec ce corps

Qui est le mien

Depuis l’enfance

Je n’ai cessé de jouer

Au gendarme

Et au voleur

La Corse corps

Et moi

N’avons cessé

De jouer

L’« écriture du corps »

Bernard Noël

Suggérant qu’à force

De contraintes

Physiques

La parole libre

Se libérait

Aujourd’hui

Je parle

D’écriture « contre »

Le corps

Qui n’en peut mais

Et du coup me fiche la paix

La paix au langage

Mon seul ange

Gardien

Mon écriture mère

Le corps écrit

Par cette mère

Qui n’en veut pas.

« Petit Précis d’Écriture du Corps »

Contraindre le corps

Pour laisser passer

Le message

Que t’offre le langage

Pour laisser passer le corps

Les muscles

L’urgence

La rage

Je n’y serai pas

A ton dernier enterrement

De pied ferme

À piétiner les plates-bandes

Contrant la pensée

Pour le corps laisser passer

Contrer le corps

Pour laisser penser

Ce qui ne saurait être

Tenu de penser

Juste ce que le corps

Laisse passer

Dès qu’on le contraint

Toutes choses égales d’ailleurs

Il faut avoir bien détesté

Pour se retrouver aimer

Assistance au langage

En danger

D’un coup la norme

Mise au panier

Conséquence

Pauvreté organisée

Puisqu’il faut être

Bien lettré

Pour pouvoir regarder

De haut

Les lettres

Je n’ai rien à énoncer

Rien à défendre

Ma vie parle pour moi 

Où êtes-vous donc passée

Vous ma prof adorée

A qui j’avais fait lire

Snyder ?

Le corps sur la route

Contraint

La tête dans les étoiles

Grand ouvertes les vannes

Du langage

Grâce à la contrainte

Exercée par la route voulue

Que cherche-t-il donc

Sur son engin

A bout de peine

A bout de chaîne

Hystérique sans voyage

Sans objet

Ni paysage ?

Le début de l’âge bête ?

Corpus Christi

Couvert de pisse

Et de cadavres

En nombre

Le corps

Le trésor qu’il constitue

Est plus précieux

Que celui du grenier

Mais moins que celui

Du cœur

Le plus précieux de tous

L’écriture

La débandade

Du corps à corps

Corps contraint

Contrainte par corps

Liberté

Cours après ton corps

Qui ne sera pas long

À te lâcher

Cours après ta course

Ta Corse

T’a-t-elle déjà lâché ?

Toutes mes gammes faites

Mes contritions

Mes Tarasques

Sans foi

Ni loi

Mes renoncules

Mes feux de la Saint-Jean…

Il me reste les mots

Rien que les mots

Tous les mots

De mon désir d’être

Au plus juste

Plus précis de moi-même

Au creux de mon corps

Là où je vous retrouve

Mes commensaux

À table !

Vite !

.

.

Foresta Impugnabile

Italo Lanfredini

.

La main et la matière sont unies par l’amour

et la terre en garde l’empreinte

.

.

/FORESTA IMPUGNABILE, 1998-99 – Terrecotte, dimensioni variabili (installazione n. 39 pezzi) photo : Italo Lanfredini, dans le portfolio de l’artiste

.

.

Deux poèmes

Jean-Marc Barrier

.

I

Suis le dogme de la nuit
: la main qui se dresse
est la main qui soigne

sur fond d’or dans les tesselles
quelque chose du vent
descend au pli

: icône coupée en deux
une garance perce l’or de tes silences

ton calme est une image
à la place exacte de ton corps
il est plus beau de sa blessure

des signes apparaissent
lambeaux loquaces et tendres
: des bras se tendent 

entre les lignes

(10-09-2021)

II

Ostinato

eau veloutée des bois

le désir dans sa ruine

grogne   hume l’absence

flèche de soi dans les paumes

une ouïe mobile

pleure sa joie sombre

elle trouvera sa fauve élégie 

cadence douce qui sonde

parmi les débris de frairies nocturnes

errance coriace devant

et les scories du mort-bois 

le coursent

entre tête et sexe

(février 2021)

.

.

Totem et tabou

Marilyne Bertoncini

.

.

.

D’eau et de sang

Jacques Merceron

.

1. 

Ça pourrait commencer

N’importe où

N’importe quand

Ici ça commence

Dans la fraîcheur

Du bain rituel

Depuis des siècles

L’eau bercée par les salutations du vent

Baignée par le murmure des herbes

S’infiltre dans un rêve de coquillages figés

Perle dans une nuit d’encre

Où le ciel a posé sa bouche

Pour purifier corps et âmes

Mis à nu

Au septième degré

Toute nage interdite

Le corps saisi trois fois dans le courant

S’abouche alors à l’ombilic

Du très grand flux

Dans une forme de prise

Et de lâcher-prise 


2.


Semences et surtout menstrues

Des femmes voulaient de l’eau

Chauffée en hiver

De très sages hommes débattaient

Renâclaient

L’accepter ou l’interdire

Et risquer

Le gel du sexe et de la ribambelle……………………………….

Pensées figées calcifiées

Discussions glaçantes

4-8 septembre 2021

(Autour du mikvé de Montpellier)

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Louise Caroline : ‘Désirs’, pièce de tissu encré, découpé,
marouflée sur papier Fabriano, 50×65 cms

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A corps perdus

Joël Dely. 

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Stupeur.

Le néant, le vide

Ont enfanté un jour

Le désir d’une danse.

Brisée, en un instant, 

La cathédrale de paix, de silence 

De vacuité,  qui emplissait le ciel.

D’ailleurs,  le ciel existait t’-il?

Seul un rêve,  demeuré sans doute

Trop longtemps en suspens, 

En souffrance de l’envie de la chair, 

Cherchait un berceau pour y prendre forme. 

Quel Dieu,  quelle déesse orpheline 

A voulu transgresser la virginité primordiale 

Pour enfanter la première cellule ?

Par cette chute,  cette faille,  cette déchirure 

Nous sommes venus au monde.

Nous, ces amibes vouées à l’impermanence, 

Impertinences d’éternités lasses de leur propre perfection. 

Pourquoi la lumière initiale 

Ne s’est pas contentée

De remplir son ventre affamé 

De la chaleur du feu primordial ?

Pourquoi l’eau,  fleuve nourricier de nos fibres 

A-t-elle enfantée la terre, décor de notre inéluctable chute vers l’oubli?

Je regarde ce corps, qui ne veut pas mourir,

Bien qu’il soit assis sur sa montagne d’ossements. 

Ce corps,  champ de bataille

Entre création et putréfaction. 

Chaque cellule, note jouée

Sur la partition de ce chant de combat 

Tente de faire la nique à l’inéluctable. 

Alors

Buvant avant l’heure le calice du Léthé

Je rêve d’arracher mon existence 

Aux griffes du pourrissement de toute chose.

Si nos vies sont des larmes du ciel, 

Comment l’émouvoir, ce ciel,

Ne serait-ce qu’une fois,

Pour qu’il nous rende notre songe d’éternité ?

Rêver est -il la seule échappatoire 

Aux fermentations de l’oubli?

Les mots forment les volutes 

D’un souffle qui aspire à ne pas mourir.

Mots de couleurs,  de sons, de paroles. 

Et si la beauté,  celle d’un tableau, 

D’une musique,  d’un poème, 

Etait la seule alternative 

Aux sépulcres de la chair ?

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photo : Marilyne Bertoncini – Le sourire des dieux caché dans la nature

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(En finir avec ce corps)

Anne SOY

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J’entends mourir
comme une bulle de silence
au bord de l’océan
m’évaporer à marée basse
en plein midi
loin des clochers de l’enfance
dispersée à jamais
dans les embruns sauvages

.
J’entends mourir
comme une bulle de silence
au bord de l’océan
m’évaporer à marée basse
en plein midi
loin des clochers de l’enfance
dispersée à jamais
dans les embruns sauvages


13/09/2021

Et cette douleur
à ne plus savoir où
appuyer son corps mou
les mots brûlent les yeux
le brouillard se répand à l’intérieur
les os deviennent fluides
le muscle flaque
le cœur en bouillie
s’éparpille
dans un espace étranger
plus rien n’existe
Que la douleur
à ne plus savoir où
appuyer son corps mou

18/09/2021

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Michèle Brondello : Couple (plâtre et matériaux divers)

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Corps condamné

Marilyse Leroux

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« Regarde, regarde, toute ton attention peut se concentrer
sur cet impensable qu’est la mort d’un homme. » Joan Miró

.

Faire face

poinçonner la douleur

dans son dernier trou

Ne plus bouger

la peur enserre

ce qu’elle peut.

*

De l’eau

sur les tempes

le corps se sent corps

à nouveau

S’il se met à rire

il entendra l’écho

de ce qui reste.

*

Résister

jusqu’à tenir

être tenu

− sans bruit

sans effort −

graine à souffler l’air

soleil feu tout autour.

( inédit, sur l’ )œuvre de Joan Miró)

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Joan Miró, L’espoir d’un condamné à mort, 1974. Triptyque (267 x 351))

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Nel Cerchio di luna

Lucilla Trapazzo

.

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Interrogations

Patrick Joquel

.

Tu te tiens

là tout en creux

un vide

entouré par ta structure d’atomes

tes bras enserrent tes jambes

tes yeux sont fermés

sur ton silence

tu tiens

ton centre de gravité

bien au chaud

ton corps

te sauve

du vide

*

Tu te tiens

autour d’un arbre

l’arbre

jaillit de toi

protège

qui se nourrit de l’autre

?

des mots

marquent

ta peau

ton silence fonde

la parole

le vide vibre

et vit

*

Tu entres en toi

retour matriciel

de quoi te souviens-tu

?

et dans quelle mémoire

?

qui

en toi

se souvient

?

et de quoi

?

quel est ce désir

?

et quelle parcelle de toi

se souvient
 ?

de quoi

?

de qui

?

à quelle langue

reviens-tu puiser

?

pour dire

quoi

?

*

Tu écoutes

ce qui vibre alentour

ce qui se balance

ce qui tient

ce monde suspendu

au vide

quel est ce vent

qui te murmure

à l’oreille

?

quel est ce son

extérieur à ton corps

qui pulse

et vivre

et t’éclaire

en dedans

?

quelle est cette parole

dont les lettres

marquent ta peau

?

te nomment

?

*

Tu te tiens

dans un clos silence

tout

tourne

en toi

les mots

te ferment les lèvres

tu n’as plus rien à dire

la lumière

joue avec ton corps

te pulse

et t’irradie

ton souffle est lancé

ta vie aussi

tu te tiens là

replié

sur le bord extrême

du mystère

juste là

entre le clair

et

l’obscur

*

La vibration

t’enveloppe

te protège

quel souvenir

de caresse au ventre

et quelle douceur

de peau

?

(Jaume Plensa , Mamac de nice, hiver 007/008)

www.patrick-joquel.com

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Photo : Rémi Tournier – conversation, de Jaume Plensa, place Masséna, Nice

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     On m’a coupée

Adeline Miermont-Giustiniani

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Sète, 31 juillet 2021

on m’a coupé les yeux

les ronds vert tendre

où je sautais

      comme dans des flaques

on m’a coupé la bouche

qui fleurissait les mots

qui croquait mes oreilles

on m’a coupé les cheveux

leur arôme de blé

qui caressait ma nuque

on m’a coupé les mains

terreau grouillant

d’où partent mes racines

on m’a coupé la voix

fleuve assaisonné

parfois de brèves tempêtes

on m’a coupé la peau

cocon opaque

j’étais chenille

on m’a coupé le rire

crachats d’étoiles

sur ciel à peindre

on m’a coupé le souffle

les rubans d’oxygène

qui soulevaient mes matins

j’ai perdu mon manteau

j’ai perdu mes affaires

quelques restes brûlés

se cachent dans les recoins

je les ai ramassés

posés délicatement

le long de l’horizon

pour toujours                                toujours                                  les voir

.

Ophélie démembrée – photo : Marilyne Bertoncini

.

.

Alléger (extrait de MUER)

Béatrice Machet

.

II
alléger

Avec ou sans peau

le chant de la lumière

se tient parfois cambré :

un œil en arrière d’où vient le monde ?

un œil au devant où vais-je ?

L’équivalent : la danse.

Son énoncé articule ce que la bouche tait

et la matière peut-être prononce ce que ne savons pas répéter.

quand le corps se fait idéogramme

chorégraphie et calligraphie

procèdent du même souffle

génèrentle même écrit

Virer : même parfois

pour oublier

qu’on ne peut aller plus loin …

tourne et vrille en toi profond

ce mouvement de vie

qui interdit aux vases de se déposer

drague de vagabondages en dérives

emmêle les surfaces

éclaircis les eaux

jusqu’à la transparence

danse et mue

jusque sur les grèves

jusqu’aux creux des anses

danse

jusqu’à la flottaison

glisse toi dans l’envol

traverse la rumeur

ourle avec la vague le tissu de la liberté

drape ta fougue

et revêts un instant les parures invisibles du vent

et là

permise

la convoitise ou l’illusion

d’être l’horizon tout entier

c’est-à-dire tout

c’est-à-dire rien

Danse et mue  

la chair

sourit s’offre

coalise ses poussières

et court tout son flot de tendresse

pour polir les galets

dans le lit du vocabulaire

pour lustrer les rigueurs

les raisons

les envies

Mue

et caresse les détresses en lents

tourbillons apaisants

puis

danse l’éveil

substantiel ou immatériel

du fin fond du regard jusqu’aux confins de l’univers

sans filets

telle la danse du veilleur.

Sa mue frise le désert

de présences éternelles

Extrait du recueil publié aux éditions l’Amourier en 1999, intitulé MUER (Partie deux consacrée à mon expérience de la danse)

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photo : Rémi Tournier

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Il mio corpo ha radici d’ulivo / Mon corps a des racines d’olivier

Emanuela Rizzo

traduction : Marilyne Bertoncini

.

Nelle mie cicatrici 

Non ho paura delle cicatrici.
Da lì è passato il mio dolore,
c’è tutto in quelle cicatrici:
le speranze deluse,
la sofferenza del corpo,
gli ostacoli della vita,
le lacrime e le rinunce.
Soprattutto, però, nelle mie cicatrici,
c’è la forza che ci ho messo nell’accettarle e ripartire,
ci sono i miei occhi di bambina che volevano un mondo migliore
e che da sempre hanno saputo quanto sarebbe stato difficile realizzare i miei grandi,
giusti, autentici sogni
e ne varrà sempre la pena per me percorrere ogni tortuosa strada.
Ognuno sceglie la vita che vuole vivere,
io non ho mai scelto le strade più semplici
e ne vado fiera,
guardo le mie cicatrici con orgoglio!
Sono come il mare,
che dopo ogni tempesta,
mostra le sue acque limpide e calme
e le dona a chi ne sa cogliere l’autentica bellezza! 

Dans mes cicatrices

Je n’ai pas peur des cicatrices.
C’est par là qu’est passée ma douleur,
il y a tout dans ces cicatrices :
les espoirs déçus,
la souffrance du corps,
les obstacles de la vie,
les larmes et renoncements.
Mais surtout, dans mes cicatrices,
il y a la force que j’ai mise  pour les accepter et recommencer,
il y a mes yeux d’enfant qui voulaient un monde meilleur
et qui  depuis toujours ont su combien il serait difficile de réaliser
mes rêves  grands, justes, authentiques
et  qu’il vaudra toujours la peine que je parcoure chaque route sinueuse .
Chacun de nous choisit la vie qu’il veut vivre,
Je n’ai jamais choisi les chemins les plus simples
et j’en suis fière,
Je regarde mes cicatrices avec orgueil!
je suis comme la mer,
qui après chaque tempête,
montre ses eaux  limpides et calmes
et les offre à qui sait en cueillir les beautés authentiques.

.

photo : Marilyne Bertoncini (jardin des oliviers, Roquebrune)

.

.

Défigure (corps en mouvement)

Jacques Cauda

.

Creuser le temps à même l’os

Se voir tassé au milieu du corps dans le

Beau fracas du crâne avec des phrases qui

Sortent du monde

Les mots sont-ils parvenus

À leur crépuscule ?

Orages noirs arrachés aux ciels

Causes de la liquéfaction

Qui échappe à tout examen

Les couteaux tirés après quoi ce sont

Des couteaux comme des mouches

Mais pour l’heure le mouvement règne

Ne laissant de visible qu’un museau

Dévoré sans colère

Rien ne protège plus des crocs tendus

Par ces inspirations soudaines poussées

Par les êtres qui laissent la présence

Sans prise

Magnifique paysage

Où éclore comme la mouche sort du crâne

Ces pupes qui montent aux ciels

Sans retour sinon ce bonheur de la viande

Qui sonne à l’horloge de la vie

Âpre la viande sans hachures lisse comme

Le blanc des os

Lisse comme

Le gras de dessus

En travers du corps qui se fait

Au plus près

Des trous dont la peau est percée

Morsure dans un ballon de sang

D’où le temps coule jusqu’à dire

Voici

Voici le souvenir réduit en corps

Ô ces fortes vapeurs ô ventre & mare

Croupissante humus & combinaison terreuse

Suif de lard foie poumons rate cœur encore

Fumants & sèves d’ornements

Voici encore le souvenir

Ici double feu

D’enfer et de vie

Qui feint le fou & le jeu

De l’amour défunt

L’enfer est à nous

Bolge après bolge

Il suffit d’ouvrir le bouche l’air est y

Irrespirable

D’autres amas apparaissent

Des œufs déjà grandelets

Qui n’attendent que l’essor d’un mot

D’une phrase comme une bête élevée dans les brumes

Et c’est bientôt les vers qui courent sur le corps

Petites larves encaquées dans la graisse

Jamais émondée

L’ardente ponte empire la curée

Des centaines d’œufs liquident bientôt

La cabine animale envahie

Fouillent coins et recoins

Par le chemin de la chair fluide

Jusqu’au mouvement final

Maledicere diabolo recte putat

Maintenant que la place est donnée

Au blanc voile des ruines en partie

Blanchies

Aussi blanches que les

Muqueuses gonflées de germes bouillants

Il ne reste que les mots (l’âme)

Qui prennent défigure

.

oeuvre et photo : Jacques Cauda, « Défigure »

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.

Toi dont la tête est un royaume

Claire Boitel

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Notamment les yeux. Cette façon de les ouvrir. Cette façon de regarder.

Il m’a séduite, par paillettes.

Quand ses os brûleront dans la tombe, je me refuse à croire que.

La cristallisation brusquement s’est accélérée, le gel brutal et magnifique sur les branches.

Les morts, les dieux.

La mer était parsemée de neige. Des flocons immenses dans le ciel : les nuages.

Légèreté d’oiseau, de fleur, d’ombre.

Il échappe à toute pesanteur.

Il y a chez moi cette plainte qui ne cesse jamais.

Il est la perle fine, le miracle.

C’est une musique, c’est un requiem.

Quand il s’évanouit, quand il devient fantôme noir.

Un plaisir de revenant, de reine morte, de mémoire, de veuve.

Sa fenêtre était toujours ouverte sur l’air et le vent.

Vint le moment vampire, celui où l’on se vide de soi jusqu’au néant.

Pour faire circuler en lui les brises et les esprits, il fumait.

Avec cette aura qu’ils ont, seuls.

Car il ne mangeait pas.

La beauté, avec ses arabesques, ses volutes et ses enluminures.

Il était frêle.

Il a, comme les acteurs, un jeu de visage.

Il est parti dans les étoiles.

Un parfum de cire monte de son escalier.

Ses yeux étaient des pierres précieuses.

On a inventé la beauté pour remplacer la vie.

Se déploie et s’enroule.

Jusqu’à la fin des temps.

Il haïssait son corps de n’être pas assez flamboyant.

Il était devenu trop beau.

C’est une constellation.

Accueillir les gemmes qui constituent l’être sacré.

Et tandis qu’il refermait toutes les portes, tandis qu’il rayonnait.

Mes joues recevaient les marques noires, j’étais un diable hideux.

Un amour particulier l’unissait à son nom.

Mais en tant que brindille, herbe folle : face à lui – image sainte, opale gravée – qu’étais-je ?

Je l’écoutais ; il était plein de lui-même.

Le cerveau jouit, le cœur ne bat plus.

Éternel jeune homme. J’ignore si l’arbre quand ses feuilles sont trop vertes.

Velours létal.

La croyance insane d’être aimé par, ou du moins celle.

L’esprit bâtit ses cathédrales.

Il y eut aussi sa voix. Pas une inflexion dans sa voix n’est vulgaire.

J’ai trouvé en moi les failles, les manquements, les précipices.

L’amour et son ombre.

Sa propre substance, on la perd.

Le monde est plein de coïncidences.

Fête ou douleur

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photo : Marilyne Bertoncini
reliquaire de Saint Justin, cathédrale de Vence