.

Né à Ain Beïda, Algérie, en 1947, Rachid Koraïchi travaille et vit à Paris.  Artiste inspiré et généreux, dont l’œuvre se réfère au poète Rûmî et à la philosophie soufi, il travaille depuis toujours avec des poètes : sur son site, on trouve des collaborations avec Mohamed Dib, René Char, Mahmoud Darwich

Plasticien, écrivain, calligraphe, héritier d’une famille descendant du prophète, il est aussi mécène, paysagiste-architecte… Et l’on retient entre autres les « jardins de mémoire » dont le plus récent, inauguré en juin 2019, est l’émouvant « cimetière des inconnus » de Zarzis, en Tunisie, consacré aux migrants disparus en mer, dont l’artiste parlera à Alata (Corse)

.

Ce « cimetière des inconnus », encore nommé « jardin d’Afrique », offre une sépulture décente, véritable mémorial de ces nombreuses vies perdues lors des traversées, d’un bord à l’autre de la Méditerranée (Une personne sur sept disparaît en tentant de traverser la Méditerranée). C’est en constatant l’inaction de la communauté internationale et en prenant connaissance du traitement inapproprié des corps repêchés ou jetés sur les grèves, que Rachid a acheté à Zarzis un lot de terre de 2500 m2 pour créer cette oasis-sépulture, dictée par sa mystique de la réconciliation et de l’incarnation des esprits –  un cimetière, financé par la seule vente de ses œuvres.

Les murs blancs comme les sépultures font résonner en contraste le sol des allées recouvertes de céramiques peintes à la main, répliques de celles du XVIIe siècle des palais de Tunis. Les coupes jaune et vert sur les tombes sont destinées à accueillir l’eau de pluie et les oiseaux. Une salle de prière, des banquettes et des tables en céramique blanche attendent les familles et les proches des défunts. L’artiste a pensé son œuvre comme un jardin d’Eden pour les morts et les vivants. Des bougainvillées « aux couleurs du sang du Christ », cinq oliviers symbolisant les piliers de l’islam et des orangers amers, « qui rappellent l’amertume de la mort mais aussi les délices des fleurs d’oranger », ont été plantés.

.

« Je voulais leur faire un palais avec une oasis, leur dérouler un tapis de prières, raconte-t-il avec passion. L’odeur des cadavres quand ils arrivent est telle qu’il fallait pouvoir donner aux morts un autre air à respirer, qu’ils puissent sentir le jasmin jour et nuit. » ((LE MONDE, 14 JUIN 2021)

.

Réalisé par des artisans locaux, le projet inclut un cimetière non-confessionnel, un espace où les corps peuvent être lavés avant leur enterrement, un monument et une chapelle pour tous les services religieux. Une pierre tombale pour chaque victime, avec un nom si elle a pu être identifiée, la date de la mort, le code ADN, des détails supplémentaires comme le sexe et la tranche d’âge approximative.

Ce devoir de mémoire, qui traverse toute l’oeuvre de Rachid Koraïchi, est ici dédié aux damnés de la mer,  auxquels l’artiste rend hommage en lien avec les chemins nomades de sa propre famille – damnés de la terre pour lesquels deux stèles érigées au nom des Koraïchi accueilleront les visiteurs. Ce projet est né après qu’Aicha Koraïchi, la fille de l’artiste, ait lu sur les réseaux sociaux des informations sur les corps échoués sur la côte près de Zarzis. Rachid et Aicha Koraïchi sont venus visiter la ville en décembre 2018, et ont été consternés par ce qu’ils y ont vu.

« Il y avait des montagnes de cadavres le long d’une très longue plage, raconte Rachid Koraïchi. Les dépouilles y sont transportées par les courants marins et elles étaient ensuite ramassées par des camions poubelles et déposées sur des décharges infestées de chiens et de rats. » (ARTNEWSPAPER.FR)

.

.

.Rachid Koraïchi est l’invité de l’association « San Bé Culture Club», le vendredi 3 décembre 2021 à Alata (Ajaccio)

Marilyne Bertoncini

notes

A lire ou voir en parallèle :

le site de l’artiste : http://rachidkoraichi.com/

une série d’émissions : https://www.franceculture.fr/personne-rachid-koraichi.html

Aux éditions Pourquoi viens-tu si tard? : le livre d’Estelle Fenzy, Eldorado-Lampedusa.