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7 Giancarlo Baroni (trad. MB), Pacal Hermouet, Béatrice Pailler, Chantal Dupuy-Dunier, Marilyne Bertoncini, Nancy R. Lange, Iren Mihaylova, Anne Barbusse, Ariel, Anne-Lise Blanchard.

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Giancarlo Baroni

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Dove possono essere scomparsi

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Ti girava per la testa un sistema di labirinti

completo quanto una collezione.

Sentendo i tuoi discorsi adesso ci chiediamo

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dove possano essere scomparsi

in quale buco nero della tua memoria

restino conservati.

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(dalla raccolta Cambiamenti, Mobydick editore, 2001)

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L’ipotesi di un sogno

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Fu strano

trovare in mezzo a questo buio pesto

dentro la nebbia e il fumo

fra questi strappi fastidiosi

di penombra, l’ipotesi di un sogno.

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Un uomo qualcuno

fatto di carne e di ossa sussurravano

più con docile

curiosità che con spavento.

Orfeo, immaginai,

l’amante temerario che ritorna ancora

e ancora a sfidare la morte.

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Invece Enea bisbigliavano

Enea riconosciuto.

Era davvero lui,

quanto l’ho amato

se per amore suo

senza averne di me mi uccisi.

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Fu infine troppo lento

il suo passare, e lungo

lo sguardo: lui

a cercare altrove

io la mia pace.

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(dalla raccolta I nomi delle cose, puntoacapo editrice, 2020)

. Où ont-ils bien pu disparaître



Tout un système de labyrinthes te tournait dans la tête

une  collection complète.

En écoutant tes discours maintenant on se demande

où ils peuvent bien  avoir disparu

dans quel trou noir de ta mémoire

ils sont conservés.

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trad. Marilyne Bertoncini




L’hypothèse d’un rêve

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Ce fut étrange

de trouver au milieu de cette obscurité totale

dans le brouillard et la fumée

entre ces pénibles déchirures

de pénombre, l’hypothèse d’un rêve.

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Un homme un être

fait de chair et d’os murmuraient-ils

avec plus de docile

curiosité que de peur.

Orphée, pensai-je,

l’amant téméraire qui revient encore

et encore pour défier la mort.

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Au lieu de cela Enée chuchotèrent-ils

une fois reconnu Énée.

C’était bien lui,

combien l’avais-je aimé

si par amour pour lui

qui n’en avais pour moi, je me suis suicidé.

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Il fut  trop lent finalement

son passage, et long

le regarder : lui

qui cherchait quelque part

et moi ma paix.

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trad. Marilyne Bertoncini

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photo Giancarlo Baroni

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Au milieu des collines,

j’aime randonner

à la tombée de la nuit

sur le stoïque mont des alouettes.

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Ici, le sentier pentu souligne

les courbes des moulins, sémaphores éclairs couverts de cicatrices médiatrices.

Ma lampe-torche ruse avec les ombres de guerres oubliées, dans le silence

des pins et des fougères,

hôtes des lieux, gardiens du feu.

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Là, des ajoncs me surveillent du coin de l’œil

tandis que la terre ravinée par les pluies

forme de multiples tranchées granitiques

souvent peu engageantes, tels de rituels sas de décompression.

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Ici, là ou là-bas, il faut avancer pas à pas

car la nuit préserve farouchement son domaine,

alors que les âmes ridées du bocage jouent avec

la lune, les nuages et le vent atlantique,

comme pour initier une secrète sarabande.

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Au milieu des collines,

j’aime respirer

entre chien et loup,

sur l’humble mont aux mille silhouettes.

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photo Pascal Hermouet

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Né à Bordeaux, Pascal Hermouet vit à Paris. Après des études d’espagnol et de lettres, il a enseigné le français langue étrangère au Mexique. Enseignant de français et d’espagnol, il est également traducteur. Derniers recueils parus : Supernova (2022) aux éditions Accents poétiques ainsi que Éponges (2023), chez Unicité.

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Vérité nuit

Béatrice Pailler

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Sainteté de l’heure, sans autre vérité que celle du reflet.

Sainteté de l’heure, l’ombre en travesti l’habille.

Jour aphone, la nuit lui offre ses mots.

Silhouettes sur rues, la ville se désagrège.

Fluence, dé-fluence être par l’effacement.

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Chienne-louve, l’heure se farde.

Vierge était le jour, rouge est sa fin.

Chandelles, les  hauts fours brûlent, incessants.

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Le ciseau des rues découpe la ville.

Les façades se succèdent, jumelles qu’une vitre entame.

Les passants traqués du soir remontent leur vie.

Artères vides du connu reste le goute à goutte des enseignes.

La ville, miroir d’elle-même se reflète au caniveau de l’instant.

S’inverse la vie et sur le soir, troquant le jour pour le sombre des néons,

elle est luciole qu’un regard entame.

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Arènes du vide, le cercle des lampes.

Au parterre, la pierre d’une vérité  de couteau.

En cage, les simulacres font rang,

figures d’une vérité nantie où naître ne suffit plus pour exister.

Lunes blasées : les lampes en sueur.

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Vérité de chair et de sang, voulue sans âme.

Elle n’a d’autre pays qu’elle-même.

Elle n’a d’autre naissance que la nuit.

L’espoir était là-bas dans le rêve du départ.

L’ici du présent est sans lendemain.

Pareil à hier l’espoir en moins,

pareil à hier mourir est plus certain.

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La nuit est meute où confondre son pelage.

La nuit est visage où l’attente s’inverse.

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Le choix des étoiles,

c’est le choix de l’autre.

La ville en nuit se leurre.

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Noire vérité,

un khôl amer suit la ride,

sillon pour d’autres.

Nue-vérité,

sombrent les minutes,

cendres parmi d’autres.

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Quartiers gras, suint des yeux.

Corps battus, proies des murs. 

Le temps ne soulage pas.

Le temps n’apporte rien.

Il est une route sans point de chute.

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Reflet de l’heure, la solitude lamine, incessante.

Le jour se lève, huis-clos des lèvres.

Rouge est le drap, vierge le regard.

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Bras replié,

cage des doigts,

dans sa main : sa vérité.

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2023

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Béatrice Pailler est une poète du vivant. Diverses revues accueillent ses poèmes, ses derniers recueils sont : L’autre versant prix Louis Guillaume 2023, éd. Le Silence qui roule, 2022 & D’Écorce de Sable, avec cinq encres de Jean-Marc Barrier, tiré à part de la revue A L INDEX 2022.

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Nuit Blanche

Chantal Dupuy-Dunier

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photo Chantal Dupuy-Dunier

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Chantal Dupuy-Dunier a publié une trentaine de livres dont Initiales (Voix d’encre, Prix Artaud 2000), Éphéméride et Mille grues de papier (Flammarion), Cathédrale (Pétra), Les Compagnons du radeau (Henry), Cronce en corps (Les Lieux dits), et un roman La langue du pic vert (La Déviation, 2021). Site : chantal.dupuy-dunier.fr

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Nuits perdues et retrouvées

Marilyne Bertoncini

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La nuit compacte est lisse

comme une amande

                                  L’aube amère fleurit ta bouche

                                  de sa lumière

*

Le bleu s’échappe des forêts

les mains          

des arbres

             te retiennent

Le train déchire dans la nuit

de grands lambeaux

de souvenirs.

*

Ce soir

les oreilles des arbres

écoutent

le mugissement sourd de la sève

dans leurs branches

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La reptation des fleuves

froisse

la soie

sur l’échine souple de la terre

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Les cris aigus des étoiles

percent le sommeil

des hommes

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La nuit

entière

est une bouche

qui hurle des flots de silence

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Nocturne Laurentien

Nancy R. Lange

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violon de minuit
invisible mais tenace
l’appel d’un grillon

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du lac ou du ciel
qui est le miroir de l’autre
le lac réfléchit

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Iren Mihaylova

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J’ouvre l’abîme de la nuit :

(Nuit comme mise en abîme)

Couche par couche 

Je dévore ce silence 

A plusieurs dérives

La matrice    Jacinthe mauve 

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Nuit solitaire 

De la huitième couche de sa chair 

A la fois douce, à la fois 

Familière 

Son odeur pénétrait

Mon éternité 

En mémoire 

De toutes mes pertes 

Et toutes mes

Retrouvailles

Pour un seul instant 

J’ai cru atteindre 

Cette joie 

des foules 

Hélas

Nuit Solitaire 

de peine 

de marasme

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Iren Mihaylova, poète, écrivaine et psychologue clinicienne née en Bulgarie vit et travaille à Paris. Elle a une pratique psychanalytique et écrit, des œuvres de poésie expérimentale, classique et surréaliste, ainsi que des récits (poétiques), des nouvelles et des journaux d’écriture. Tirer les ombres, recueil de poésie (expérimentale), Sans crispations éditions, 2023  et à paraître Ciel de ma mémoire, Éditions l’Appeau’strophe, mai 2024.

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Anne Barbusse

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j’aménage un espace de femme somnambule à coups de cafés où

les yeux de gens restent tout en bas de la nuit dans des chambres aux fenêtres ouvertes

et la pluie martèle la mort différée

quand je suis sortie du lit à pas couverts le monde alors s’est tu

l’orage a pris un sens lyrique et abscons

et les poèmes se sont frottés les yeux dans la pénombre évanouie – nous avons

perdu la lune

et les rues sont traversées de réverbères comme d’étoiles féminines et tièdes

– ce sont les prémices de l’écriture qui se lèvent au creux des nuits ce sont

les mots de la veille qui jaillissent telles des vagues et

les maisons voisines dorment comme des hommes –

alors je regarde par la fenêtre la rue pleine de nuit perdue

et je suis la nuit

je m’invente une vie-nuit

alors je mords les ténèbres et je fabrique un monde parmi les mondes alors

la pénombre tresse la parole folle de la nuit pleine de pluie – je traverse

l’innommable et je fustige le visible – l’obscurité est le refuge éhonté des femmes –

je ne dors plus avec vos certitudes blanches et vos draps frais

le sommeil est l’envers grandiloquent des rêves bouleversés de pluie et je ne dors plus

avec mes yeux parcourus de lune je ne dors plus comme les mères aux ventres comblés

et les voitures garées sur les trottoirs du monde – je suis l’éveillée

qui ouvre le poème inquiet et nocturne – je sais

que la nuit est une écriture épanouie je sais

que les enfants sont des feux follets magnifiques qui partent dans le monde fermé

et la nuit est la reine incomplète de leurs visages si différents

– partout le temps détruit les mères et vieillit les enfants et la nuit devant tant de peine

s’agenouille sur la pluie tandis que

les hommes des villes dorment –

je parcours le don furtif de la pluie nocturne et vraie

et quand s’arrête le monde les histoires prennent le relais

– la folie a un visage de mère –

puis je veille mon désir total

je seconde la nuit dans sa virginité controversée

les douleurs dorment les yeux ouverts

je poursuis mon écriture animale

je mesure le silence allongé sur la terre ensommeillée et je

déploie ma liberté féminine et nocturne – j’affame mon ventre inutile – je trace mes folies

sur la luminescence apprivoisée – je trouve des mots de bête et des idées de sauvage – je

suis toute seule avec le texte, ma dernière volonté, mon cri de volupté claire – à l’aube j’irai dormir

*

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Anne Barbusse a publié deux recueils, Moi la dormante (2021) et Les accouchantes nues (2022) aux éditions Unicité, A Petros, crise grecque (Bruno Guattari éditeur, 2022) et La non-mère (Pourquoi viens-tu si tard ?, 2023). Elle traduit de la poésie grecque moderne et publie des textes sur le cinéma dans la revue Fragile.

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Pourquoi je sais rire

Ariel

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Je porte dans mon cœur

La lapidaire essence de la mort

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Je suis né sous l’étoile de

Pluton

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Ma chair incarne

Le paradoxe d’un cruel caprice divin

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Et si un jour on s’embrasse à la plage un soir

Et que l’on se détend en silence par la suite

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Certes on entendra le froufrou des vagues

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Mais si tu fais vraiment attention

Tu écouteras le tic-tac

De la bombe

Qui se loge

Dans mon intérieur

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(Pourtant j’ai tellement de choses à faire

Avant ma fin)

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Je porte la marque des ténèbres en moi

Alors que tu ne le savais pas

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Parce que

Sur l’amour

Sur l’amitié

Sur l’agenda

Sur mes créations

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Je ne verse point de larme sombre

Mais des vers étincelants

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Car

Lorsque j’ai finalement capitulé

Et que je me suis laissé porter

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Par le bourreau de mon âme

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Il m’a appris le rire

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Né en Argentine, vivant et travaillant en France, Ariel est enseignant, traducteur, sportif, poète et tarologue…  Les monstres sous le lit, son premier recueil, sera bientôt publié. La seule chose qu’il ne sait pas faire est se reposer et il est bien sûr très adepte du sombre…

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Anne-Lise Blanchard

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Nuit qui avale les odeurs de la terre
qui creuse le silence
nuit qui assoupit les ombres
qui étiole ta résistance
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la veille assourdit les feulements
de l’actualité de l’enfer
balaie toute velléité
à l’encontre de l’ordre du monde (qui trébuche)
rappelle la mémoire raturée de la lumière

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*

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Une lampe intérieure
déborde
la nuit du sens

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Anne-Lise Blanchard vit au pied de la Chartreuse. Écrit et publie depuis 2000, présente en revues et anthologies. Dernières publications :  Une odeur d’enfance, poésie jeunesse, Voix Tissées (2023) ; Soliloque pour ELLES, Transignum (2023) L’Horizon patient, Ad Solem (2022) ; Le Ravissement de la marche, haïkus, Atelier du Grand Tétras (2021) ; Épitomé du mort et du vif, Jacques André éd. (2019). https://anne-lise-blanchard.com/

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photo mbp

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