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9 – Tish Ince, Christine Durif-Bruckert, Tristan Colovray , Brigitte Bardou, Lucilla Trapazzo (trad. Marilyne Bertoncini), Laurent Grison, Atlas Hader, Marcel Kermann (et trad en arabe d’Atlas Hader), Bruno Marguerite, Barbara Pogacnik

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Night Photography – In Contrast
( women getting home ) – a sequence

Tish Ince

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In Contrast

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She walks now always 

safer than the streets 

of San Francisco

in step with foxes

imagined wolves

or the real werewolf

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imaginations are slighted

in stilted dark corner lights 

luminosity her ever curiosity

wonder at the dark path 

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she passes untouched

these night and day contrasts

the men that easily step

into view bold as brass

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she hides behind a camera

and her fearless tongue

stroking egos and dogs

it was polite to ask

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in ripped black jeans

she tears herself 

through nighttime dread

held by get it together thread

.

he allows her to capture him

in harmless pyjamas and slippers

so he can’t run fast 

she can she knows in contrast.

31.5.23

En Revanche

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Marcher pour elle maintenant

c’est plus sûr  que les rues

de San Fransisco

en phase avec des renards

des loups imaginaires

ou le vrai loup-garou

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ce qu’elle imagine se tient

dans la lumière des lampadaires
haut perchés dans les recoins sombres

son attention toujours en éveil

hésite dans la voie obscure

.

elle passe saine et sauve

ces contrastes de nuit et de jour

les hommes qui la croisent
avec une tranquille arrogance

.

elle se cache derrière une caméra

et sa langue intrépide

caressant les ego et les chiens

c’était poli de demander

.

en jean noir déchiré

elle s’arrache

à travers la peur nocturne

tenue par le fil du dialogue

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il la laisse le capturer

en pyjama inoffensif et en pantoufles

comme ça il ne peut pas courir

elle, en revanche, elle peut, elle sait.

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trad. Marilyne Bertoncini

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Tish Ince féministe née à Londres, poète publiée internationalement, écrivaine et photographe, vivant dans l’une des dix villes les plus sûres du Royaume Uni. . https://linktr.ee/tishincepoetwriter

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Christine Durif-Bruckert

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Des nappes de brouillard

Très bas

Avaient empli la pièce

Voile de coton qui t’enveloppait

Au seuil

D’une aube brulante.

Il fallut toute la nuit

 Pour te chanter mon poème

Connaître tes naufrages

Te prendre sur mes paupières

T’enserrer dans les branches de mes tourments

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Et faire résonner d’anciennes lueurs.

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La nuit avait oublié

Ce presque froid 

Avait soufflé sur les mots d’amour que tu avais perdus en chemin

Comme des pétales séchés.

Elle portait les songes

Encore murmures de vie

Et cette impénétrable blancheur

Lorsque les vagues roulaient sur la surface immobile de ton regard

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                                   Mai 2023

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Christine Durif-Bruckert est chercheure en anthropologie, conférencière (université Lyon 2) et auteure d’essais, de récits et de poésie. En poésie elle publie en 2021 Courbet, l’origine d’un monde (Éditions invenit) et Elle avale les levers du soleil (Éditions PHB). En 2023, La part du désert, Echos poétiques, avec Cédric Laplace (Éditions Unicité)

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Tristan Colovray

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Ne viens plus me redire combien tu chéris

La pâleur de mes joues mon regard qui s’irise

Le charme au petit jour des oiseaux de passage

Qui survolent nos fronts et noient le paysage

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Ne reviens plus fleurir mon corps nu de baisers

Sous le grain de ma peau l’infini déserté

Ne viens plus l’emperler de rosée printanière

Le vieux monde s’innerve au refrain de la sève

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À la source d’eau fraîche où le ciel bleu se pâme

Je mire me penchant le reflet de mon âme

Un jeune homme ondoyant de clarté comme en rêve

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Ne viens plus me redire les mots impossibles

Ce miracle d’amour dont le sceau nous unit

Je ne veux plus y croire et mourir au réveil

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Tristan Colovray dirige la Maison alsacienne de la poésie. Il anime un site de poésie écolo-intégrale, L’Écorce et la Pulpe (https://lecorceetlapulpe.fr), avec Céline Dumas, poétesse lyonnaise, et il a publié en 2019 un recueil de réécritures de rondeaux de Charles d’Orléans (Poèmes d’Orléans, aux éditions Do. Bentzinger).

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Brigitte Bardou

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Brigitte Bardou, ex-informaticienne, écrit des pièces de théâtre, des nouvelles et de la poésie. Publications dans diverses revues. Son premier recueil , Quelque part une ville , est paru en 2022 chez LISIERE Éditions.

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Lucilla Trapazzo

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Quando la stirpe degli insetti

si riappropria

della notte orme e geometrie

invisibili mormorano brusii

di polline esulta il verde minimo

salvato dal cemento all’angolo

dell’uomo

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resiste la poesia di notte ai margini

di strada esige la deriva

delle corse il tempo dilatato

la via minuscola di ogni istante

pieno

.

è quasi un alleluia d’eternità

è quasi la disfatta
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antropica

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e il quasi qui è somma di nostra

povertà

Quand la lignée des insectes

se réapproprie

empreintes et géométries nocturnes

murmurent d’invisible bourdonnements

de pollen et le vert minimal exulte

sauvé du béton à l’angle

de l’homme

.

la poésie résiste la nuit en marge

de la route exige la dérive

des parcours le temps dilaté

la voie minuscule de chaque instant

totalement

.

c’est presque un alléluia d’éternité

c’est presque la défaite

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anthropique

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et le presque ici est la somme de notre

pauvreté

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trad. Marilyne Bertoncini

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Nocturnes (souvenir)

Laurent Grison

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Laurent Grison, « Nocturne » (souvenir), peinture, collection privée, 2023.

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Laurent Grison, écrivain, poète, artiste, historien d’art et critique, traduit dans de nombreuses langues, il aime à croiser les formes de création et collabore avec des artistes – parmi les dernières publications : Automate (Les lieux-dits, 2023), Portrait du poète en scaphandrier (Jacques André, 2023), Voltaïci (trad Viviane Ciampi – Passigli Editori 2023) – site : www.laurentgrison.com

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Titmellil*

Atlas Hader

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La nuit a ici la saveur d’une trêve entre deux guerres
Une paix provisoire proposée par des casques bleus qui aboient,
Que votent de leurs sièges sur les citronniers
Des hérons blancs
Je me dénoue de la roue qui tournait autour de mon cou
Et je déclare le cessez le feu
De la fenêtre j’étends une autostrade
Je vole parmi les hauteurs
La nuit désarme le béton armé de la ville
La densité du silence absorbe
boulevards, repères et vies
elle donne au temps un congé dispensé de signalisation routière
Il coule sans ponctuation
Sur l’arc de l’horizon somnolent
Des grappes de lumière s’alignent en intermittence
elles jubilent d’injecter la luminescence dans le corps
D’une permanence lasse
Ici cohabitent des minarets surmontés de mouettes en cuivre
Avec les pylônes du sans-fil que couronnent des auréoles rouges
Seuls des chiens derrière la nuit
Jouent avec les ombres de la lune sur les murs en chaux
respirant l’insouciance des heures
Tandis que les lumières des dernières voitures
Traînent les restes du bruit
En dehors du silence
Les jaillissements cosmiques retrouvent leur inertie primitive
Et la nuit se réveillent
Dans un œil blanc

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  • Mot amazighe qui signifie »oeil blanc ». C’est un hameau dans la banlieue de Casablanca.

’.

Atlas Hader, poète, traducteur et enseignant de français. Marocain. Master en littératures francophones comparées.

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Marcel Kermann

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À l’heure qu’il lui convient…
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Il part la nuit, doucement
Comme posé sur un nuage bleu
Sans se retourner
Le regard toujours fixé sur le haut du monde
Sur un tas de rêves à refaire
Comme un marchand de tendresses
C’est cela le secret de ses nuits
Somnolent, il songe de voyages pluriels
Et au loin, la lune s’échappe avec un troupeau de lucioles
Suspendue dans les airs, la boule d’argent entame une danse…
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Il part la nuit, doucement
Comme habité par une lueur bleue
Sans se demander
Si le retour se fera, dans l’autre monde
Ou dans le labyrinthe rongé par le temps
Ou dans le labyrinthe rongé par le temps
Comme un marchand de vœux luisants
C’est cela le secret imprévu du moment
Puissant, de forces en exil
Et au loin, la brume forme un visage encore plus beau
Accroché avec les étoiles de l’amour invulnérable…

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Il part la nuit, doucement
Comme pour échapper à la vapeur bleue
Sans fermer les yeux
Pour tout mêler à son imaginaire cerfs-volants
Sur la musique des anges célestes
Comme un marchand de profusions
C’est cela le secret de sa transparence
Fumant l’envoutante opium du ciel
Et au loin, tout est emporté par cette saveur ordinaire
Supplanter le mal, pour ne sentir que le vent de l’amour…

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 في الوقت حيث يلائمه…

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ينطلق بالليل، على مهل

كأنه محمول على سحابة زرقاء

دون أن يلتفت

لا تفتأ عينه تحدق في أعالي العالم

في جملة أحلام للحلم من جديد

مثل تاجر رِقَّات

هذا سر لياليه

وَسِنًا، يفكر بأسفار متعددة

في البعيد يفلت القمر مع قطيع من يراع

معلقةً في السماء، كرة الفضة

تُباشر رقصة…

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ينطلق بالليل، على مهل

كأنه مهووس ببصيص أزرق

دون أن يتساءل

إن كان يضمن الرجوع من العالم الآخر

من المتاهة التى نخرها الزمن

مثل تاجر أمنيات برّاقة

جبار، بِقوى منفية

وفي البعيد يشكل الضباب وجها أكثر نضارة 

بجوار نجوم الحب المنيع…

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ينطلق بالليل، على مهل

كما لو ينفلت من دخان أزرق

دون أن يغمض عينيه

كي يمزج كل شيء في خياله الطائر

على إيقاع موسيقى ملائكة السماء

مثل تاجر وفرات 

هذا سر شفافيته 

يدخن أفيون السماء الساحر

وفي البعيد كل شيء تجرفه تلك النكهة المعتادة

يُزاح الألم ولا يبقى سوى الشعور بِهُبُوب الحب…

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Poème de Marcel Kermann traduit en arabe par Atlas Hader

Marcel Kermann est natif de Toulouse.
Poète autodidacte, amateur d’art, musiques, peintures…

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photo mbp

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Bruno Marguerite

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Il est 3h30 du matin. C’est une belle nuit pour les chasseurs d’ombres.

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La véritable ombre vit la nuit principalement.

Prisonnière d’elle-même et de la chose qui abrite ses tentacules. 

Ou hébergée par l’objet qui l’absorbe.

L’ombre est l’objet que l’objet lui-même n’est pas.

Sculptée par la lune, c’est d’elle qu’elle tient son pouvoir.

Mais l’ombre a besoin de la dureté de la lumière pour exister. 

Aussi de la douceur du soleil. 

Sculptée par ses rayons, c’est d’eux qu’elle tient son pouvoir.

L’ombre est un calcul, une nature géométrique.

On pense que l’ombre est naturelle.

L’ombre est ce que l’on veut qu’elle soit.

On pense que toutes les ombres se ressemblent.

Mais chaque ombre est différente. 

C’est la place de l’objet dans l’univers qui change tout le temps. Mais l’ombre, jamais.

La lune et le soleil sont les horloges du temps de l’ombre.

Ils font la grâce des ombres.

Comme le bleu des océans fait là grâce du soleil.

L’ombre est deux à la fois. Ombre de l’un, ombre de l’autre. Sans aucun écart.

L’ombre suit la courbe du temps.

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Né en 1957 à Paris, Bruno Marguerite se forme comme typographe. À 15 ans il découvre le plaisir de la lecture et commence immédiatement l’écriture de poésies, nouvelles et romans en français. À 37 ans, il réalise un de ses rêves, passer un bac littéraire et suivre des études de lettres à la Sorbonne. Il ira jusqu’en maîtrise. Son univers littéraire tient à une seule chose : la fiction.

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BONNE NUIT, SAISON

Barbara Pogačnik

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Le printemps au mur élevé de feu

saisit l’air (l’air n’en savait rien) et le transforma

en éveil infini. Une saison de nuit blanche

que parmi toutes les saisons, les ours passeraient en dormant.

Les endroits où on avait tiré dans les nuages,

somnolent avec la respiration des épaules. Dans cette ville sans

personne, il n’y a rien à part les oiseaux et une balle

rouge sur laquelle je suis assise.

Une boule de plumes avec un moi au milieu degringole la pente.

Dans la boule, je suis à la fois l’écu et l’épée, et ne suis

pas moi. Le ballon rouge, il siffle du poison, laisse

des petites chenilles le long des rails et sur les herbes.

Traduit par Hélène Sanguinetti et l`auteur

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Barbara Pogačnik (1973), poète, traductrice, critique littéraire et organisatrice d’évènements littéraires slovène, a étudié la philologie romaine à l’Université catholique de Louvain en Belgique et obtenu un Master 2 en littérature comparée à l’Université Paris-Sorbonne. Elle est l’auteure de quatre recueils de poésie, parus chez des plus grandes maisons d’édition slovènes. Ses poèmes sont traduits en 34 langues. En parallèle, Barbara Pogačnik a traduit de nombreux livres autant vers le slovène que vers le français.